Partenariat Revue Hummade: LE LIN, fibre de proximité

Article extrait de la revue Hummade #2 et rédigé par Catherine Dauriac.

L’histoire connue du lin textile commence il y a 38 000 ans dans une grotte géorgienne. La découverte de quelques faisceaux de fibres torsadés et colorés de pigments confirme le travail de la main de l’homme. Première fibre textile de l’histoire de l’Humanité, le lin s’impose dans un monde en transition comme une matière à expérience, marqueur pérenne de la slow fashion et de l’éco-design sur l’ensemble de ses marchés Mode, Maison, Art de Vivre et Composite.

Naturalité – une grande culture européenne 

«Le combat écologique est à la fois un combat de vision du monde et de préservation de notre jardin nourricier».

Ces mots d’Isabelle Delannoy, théoricienne de l’«Économie Symbiotique» (ouvrage paru chez Actes Sud en 2017, voir sa tribune en p. 100 de la revue Hummade) s’appliquent au lin de bien des façons. Sobre et peu exigeante, cette agro-ressource européenne se cultive sans irrigation (à 99,9%), et bien sûr sans OGM, avec très peu d’intrants. Content de l’eau de pluie fournie par le climat de son terroir de prédilection, une bande de terres limoneuses qui va de Caen à Amsterdam, le lin a la générosité de préparer les sols pour les cultures suivantes, notamment les céréales d’hiver, en bon compagnon des écosystèmes et de la biodiversité. À compter du semis en mars, il faudra 100 jours à la plante pour fleurir et «C’est juin qui fait le lin»! Si 85% du lin fibres longues mondial est cultivé en Europe de l’Ouest, avec 117000 hectares et 141000 tonnes de fibres longues teillées en 2018 (1) , et «si la France en est le premier producteur mondial, il faut garder à l’esprit que les fils de lin sont créés par assemblage – à l’instar du champagne, lors de la filature, à partir de plusieurs lots issus de plusieurs exploitations et plusieurs récoltes, et ne peuvent être assignés à un seul pays ou à un millésime», rappelle Marie Demaegdt, Directrice Textile et RSE de la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC).

(1) Source CELC, 2019

 

Une fibre de proximité

La culture du lin est le fruit de savoir-faire non délocalisables garants d’un tissu social homogène avec des emplois pérennes à la clé, comme le binôme agriculteur/teilleur. Chacun de leurs gestes, chacune de leurs décisions garantissent une récolte réussie. La culture du lin est renouvelée en rotation tous les 7 ans, à la recherche du meilleur rendement mais sans jamais épuiser les ressources des terroirs.

«Naturalité, éthique et traçabilité», ce lexique propre au lin illustre le champ des exigences du consommateur face à un marché mondialisé où les quêtes de transparence, de responsabilité et d’éco-comportements sont devenus d’indispensables gages de qualité. Ces valeurs modélisent un nouveau territoire d’expression et d’expertise pris en compte par la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre – CELC, autorité fédératrice de la filière agro-industrielle du lin, dans ses missions d’information et d’accompagnement d’initiatives professionnelles et grand public:

«des engagements garantis par deux labels: European Flax® certifiant l’origine européenne d’une fibre de qualité Premium vers tous ses débouchés (audit Bureau VERITAS); et la traçabilité, lorsqu’elle est assurée par des entreprises européennes à toutes les étapes jusqu’au fil et au tissu, se labellisant Masters of Linen®, marque déposée et club d’excellence textile»

(voir notre encadré sur la collection «LIN» de la marque Une Autre Mode Est Possible). L’entreprise française Safilin, certifiée Masters of Linen®, souhaite réintroduire une filature de lin en France.  Ce projet ambitieux, porté également par LCbio, par les industriels Emanuel Lang (Velcorex) et Filatures de France, avec les marques 1083, Le Slip Français, Splice, Dao, demandera d’importants moyens et l’adhésion de grandes marques. Les essais sont en cours en Alsace.

Mode, bien-être et éco-innovations

Pendant tout le Moyen-Age, le lin et le chanvre vont constituer, avec la laine, la base des ressources en fibres textiles. Un lin déjà réputé antibactérien et dont on se drape, sur les conseils d’Hildegarde de Bingen, pour repousser les dangers de la Grande Peste et soulager les blessures sur les champs de bataille. Plus près de nous, le lin s’invite chaque saison sur les podiums, un lin qui s’adopte hiver comme été pour ses qualités intrinsèques et sa main si particulière, nerveuse et vibrante. Source d’inspiration pour toutes les familles de créateurs, de la Haute Couture au prêt-à-porter de luxe jusqu’aux jeunes marques de niche, le lin tisse sa toile dans les collections. Thermorégulateur et anallergique, il absorbe jusqu’à 20% de son poids en eau, et peut donc entrer dans la confection de vêtements de sport. La sensuelle maille de lin infroissable développée par les tricoteurs portugais, italiens et français grâce à une R&D dédiée et la mise au point de fils de lin assez fins et réguliers pour être tricotés sur des métiers jersey est une réalité économique récente, encore inexistante dans les années 2000, et qui représente aujourd’hui environ un quart des textiles lin en prêt-à-porter, tous marchés confondus.

Si 90% de sa production est toujours dédiée au textile pour la mode et avec de belles innovations pour la décoration (revêtement outdoor ou retardateur de feu plus écologiques), le lin européen s’engage aujourd’hui dans un futur souhaitable grâce à des composites bio-sourcés aux performances mécaniques avérées (faible densité et donc légèreté, rigidité spécifique plus élevée que les fibres de verre, absorption des vibrations, isolation thermique et acoustique) pour l’écoconstruction, l’industrie automobile, l’aéronautique ou les sports et loisirs. Camille Deligne propose un gobelet fabriqué à partir de fibres de lin et de polymères bio-sourcés, alternative aux gobelets classiques en plastique réutilisable. Last but not least, lin et musique font bon ménage: alternative au bois, il entre dans la fabrication de guitares sèches ou électriques, de ukulélés et de violons, à la qualité acoustique remarquable et plus légers à transporter. Plusieurs récompenses distinguent des hauts-parleurs offrant une meilleure dynamique et un son plus homogène.

Fibre de proximité, fille de la terre, de l’air et de l’eau, et bien qu’elle ne représente que 0,4% des fibres naturelles mondiales, la fibre de lin sait ainsi se réinventer, mêlant nature, luxe et innovation.

«C’est d’abord l’histoire d’Aliéna, ma grand-mère, «invitée» à partir à New-York avec son mari conservateur au Louvre lors de la seconde Guerre Mondiale. J’ai eu envie de faire des robes à partir de ses nuisettes en nylon, grande innovation de cette époque, aux découpes superbes. C’est aussi l’histoire d’une plante, avec ce fil de lin qui apporte une main vibrante à notre fil de chaussettes recyclé plutôt duveteux, qui donne cette robe crochetée, imaginée en équipe, travaillée sur moulage, grâce au partenariat avec le filateur Safilin. Romantiques, poétiques, ces robes sont faites pour se marier, avec soi, avec l’autre, avec l’univers.» Marcia de Carvalho

«LIN», première capsule Manifeste de la marque Une Autre Mode Est Possible

Slogan historique de l’Herbe Rouge, marque contemporaine pionnière de la slow fashion aux 12 récompenses ​sous la houlette de Thibaud Decroo et Arielle Levy Verry de 2008 à 2017, Une Autre Mode Est Possible est aujourd’hui l’étendard du label UAMEP, collectif associatif de créateurs engagés. C’est également une ​ligne de produits « Manifeste » créée par le duo intergénérationnel reconstitué ​​de L’Herbe Rouge​, Elise Redel et Arielle Levy Verry,​ qui a souhaité reprendre la parole par le biais de ce qui les nourrit le plus: la création.

Les différentes collections capsules en séries très limitées entendent illustrer de manière concrète les différentes facettes de l’éco-conception sur toute la chaîne de valeur textile et via plusieurs approches: biosourcing, zéro déchet, made in France​, co-création,​ upcycling, artisanat et valorisation des savoir-faire, etc.

Pour le duo, tout part de la matière: sublimer une matière c’est l’aimer, la connaître et la préparer comme un bon plat. Connaître la matière, c’est ainsi s’imprégner du terroir d’où elle provient, c’est l’apprivoiser selon sa composition, sa jauge, sa trame, son point, son degré d’humidité, sa rétraction, sa résistance, ses qualités mécaniques. Il s’agit également pour le designer de s’investir dans une relation horizontale et non verticale en travaillant main dans la main avec le cultivateur, le filateur, le tricoteur, le tisseur, l’ennoblisseur, le confectionneur, le teinturier.

Pour cette première capsule, Elise et Arielle sont retournées dans le Nord du Portugal, à Barcelos, chez leurs amis Laurent (le filateur), Steven (le tricoteur) et Antonio (le façonnier). Avec eux, elles ont imaginé une collection de tops en lin européen certifié Masters of Linen®. La ligne se compose d’un modèle de tee-shirt et d’un modèle de débardeur pour femmes, et d’un modèle de tee-shirt pour hommes, chaque pièce étant déclinée en bleu et bordeaux. La confection a été réalisée dans une démarche zéro déchet grâce à l’utilisation de fins de rouleaux et de chutes de tissu pour réaliser les étiquettes. La transparence est ainsi totale sur toute la chaîne de valeur, de la matière première agricole au produit final. Les prix sont justes et accessibles, afin de permettre au plus grand nombre d’avoir accès à cette mode alternative qui fait du bien et qui ouvre la voie à de nouveaux modes de créer, produire, distribuer et consommer.

Catherine Dauriac

Catherine Dauriac

Rédactrice en chef adjointe de la revue Hummade et présidente de Fashion Revolution France.

Partenariat Revue Hummade: Bien à Porter, l’inclusivité vestimentaire à l’usage des marques de mode

Partenariat Revue Hummade: Bien à Porter, l’inclusivité vestimentaire à l’usage des marques de mode

Article extrait de la revue Hummade #3 et rédigé par Catherine Dauriac.

Rappeler à la mode ses fondamentaux et sa fonction sociale: habiller les gens sans créer d’exclusion, notamment en cas de handicap. C’est la mission de Muriel Robine, Déléguée Générale de l’association COVER / COllectif autour du Vêtement ERgonomique. «Pas simple mais passionnant», dit-elle. Rencontre.

Muriel Robine, déléguée association cover collectif

Muriel Robine

www.blog.bienaporter.com
Groupe Facebook: S’habiller avec un syndrome d’Ehlers-Danlos

Bien à Porter, le projet développé au sein de l’Association COVER, a pour objet d’aider les personnes en situation de handicap ou souffrant d’une pathologie à s’habiller au sein du prêt-à-porter. Autrement dit, « pouvoir porter la même seconde peau culturelle que le commun des mortels en choisissant des vêtements à son goût, confortables et seyants », sourit Muriel Robine. Et bien sûr, éthiques autant que possible !

« Aujourd’hui en France, sur 10 personnes qui entrent dans un magasin, 4 d’entre elles ont une problématique de santé », poursuit Muriel Robine en se basant sur des études sérieuses que son association mène tout au long de l’année.

«L’industrie de la mode ignore ces choses, même si elle commence à intégrer les problématiques de morphologie. En revanche, hors contexte sportif, ne sont toujours pas prises en compte les variations du corps : les mouvements contraints, les raideurs, mais aussi les douleurs, les troubles cognitifs ou cutanés ». Autant de notions trop souvent laissées à distance par l’industrie. Un terrain en friche, donc. Au sein de COVER, Muriel Robine a choisi de débroussailler le sujet en lançant des études, notamment sur les pathologies fines.

cover livre s'habiller avec un syndrome d'ehlers danlos

Livre S’habiller avec un syndrome d’Ehlers-Danlos (sortie mai 2021, plateformes plates-formes de vente en ligne)

La première restitution d’enquête sort en mai 2021, sous la forme d’un livre qui a pour titre S’habiller avec un syndrome d’Ehlers-Danlos.  Cette maladie classifiée «rare» avec 5 000 patients officiels dont 80% de femmes plutôt jeunes: «1 sur 4 a moins de 30 ans, la moitié entre 30 et 49 ans, et 1 personne sur 5 seulement a plus de 50 ans». Rare? Elle semble plutôt hyper sous-diagnostiquée et concernerait au moins 500.000 personnes en France selon le Groupe d’études et de recherche du syndrome d’Ehlers-Danlos (GERSED). «Ce sous-diagnostic reflète la reconnaissance récente de la maladie», selon le Professeur Hamonet,  médecin spécialiste de Médecine Physique et de Réadaptation et Docteur en Anthropologie sociale, expert du Syndrome d’Ehlers-Danlos (SED).  De quoi s’agit-il ? Ce dysfonctionnement des tissus conjonctifs génère tout un tas de symptômes comme l’hyper-laxité (luxation de l’épaule lors de l’enfilage des vêtements), l’hyper-fatigue, une très forte sensibilité cutanée, des troubles de la proprioception, véritable sixième sens (perception innée de la position des différentes parties du corps dans l’espace) provoquant des troubles de l’équilibre.

«Selon les experts, 70 % des patients atteints de SED de type hyper-mobile sont susceptibles de porter un ou des vêtements compressifs. Parmi ceux-ci, on retrouve des gilets, des cyclistes ou panties, des mitaines, des coudières, des chaussettes… De nombreux patients du SED portent aussi des semelles orthopédiques ou autres orthèses plantaires, des colliers cervicaux (que l’on appelle communément minerves) ou encore des ceintures lombaires ou thoraco-lombaires », peut-on lire dans le livre. Il faut donc penser l’habillement en fonction de cette sous-couche très contraignante, avec des vêtements amples et légers, mais bien couvrants (pour des raisons esthétiques). Avec plus de 200 témoignages tous très émouvants, cet ouvrage – disponible sur les plateformes de vente en ligne – est un véritable outil stratégique à destination des marques de mode qui souhaiteraient développer des vêtements vraiment inclusifs. Mais le travail de COVER ne s’arrête pas là. D’autres enquêtes prévues dans un futur proche seront consacrées aux enjeux de l’habillement après une mastectomie ou pour qui souffre d’un lymphœdème (hyper gonflement de la jambe). Un travail mené avec la Ligue contre le cancer de Rouen, et avec une association et des kinés spécialisés dans le trouble du lymphœdème.

La suite? Pourquoi ne pas permettre aux clientes d’accéder à des informations ciblées relevant de la fiche technique du vêtement ? Pour Muriel Robine, «les descriptifs du produit sur le net pourraient aisément faire apparaître certains détails-clés pour tous les clients concernés par une problématique de santé». Avec Bien à Porter, elle a élaboré une première étude sur ce sujet, qu’elle souhaite pouvoir approfondir et expérimenter avec le soutien d’une marque partenaire. Développer de l’information d’un côté, mais aussi et surtout créer un cahier des charges pour ensuite aller rencontrer toutes les marques, puis développer une appli mobile. Les marques pourront implémenter jusqu’à 10 vêtements gratuitement, à charge pour elles d’adhérer pour offrir plus de choix à celles et ceux qui se trouvent, comme il est d’usage de dire, «hors du champ social», alors qu’ils en font intégralement partie.

Muriel Robine s’attriste aussi de l’indigence des descriptifs des vêtements sur les sites de e-commerce: «on aimerait avoir plus de détails sur la largeur des jambes de pantalon, ce que fait très bien La Redoute par exemple». Nous souhaitons vraiment sensibiliser les marques à collaborer avec nous. Lancer de nouvelles études vers les associations de patients avec comparaisons à l’étranger (Québec, Suisse), développer l’information, entraîner les marques à communiquer mieux vers le grand public sur leurs propositions… Un travail collectif nécessaire et un formidable programme d’inclusivité.

Ce qu’elles disent…

…sur les vêtements:

«Je les choisis plutôt amples pour éviter ou réduire les luxations d’épaule.»

«Il doit être facile à mettre et à enlever, ne doit pas mettre de pression sur les membres, ne doit pas serrer au niveau du cou, doit tenir chaud… et il faut que je puisse le mettre seule.»

«Je m’habille souvent au rayon garçon en ce qui concerne les t-shirts, ils me conviennent mieux car moins serrés sur le corps.»

«Il me faut absolument une matière douce ou «noble» type coton, rien qui soit agressif ou irritant pour ma peau. Il faut qu’elle respire à travers la fibre sans que cela engendre la moindre réaction.»

«Il faut choisir une matière qui ne gratte pas, ne fait pas transpirer, qui soit suffisamment ample pour enfiler facilement et ne pas blesser les épaules.»

«J’ai régulièrement des luxations, il me faut donc des vêtements faciles à enfiler.»

…sur les tops:

«Une matière confortable qui suit les mouvements du corps sans entraver, avec un joli décolleté et dans une matière toute douce.»

«Un t-shirt élégant, mais en même temps très confortable et ample.»

«Un petit haut en fibre naturelle, avec de l’élasticité et beaucoup de douceur. Une coupe cintrée mais pas près du corps, et une encolure en V.»

«La forme kimono!»

Catherine Dauriac

Catherine Dauriac

Rédactrice en chef adjointe de la revue Hummade et présidente de Fashion Revolution France.

Partenariat Revue Hummade: Renaissance des laines locales

Partenariat Revue Hummade: Renaissance des laines locales

Article extrait de la revue Hummade et rédigé par Catherine Dauriac.

Champs de brebis

Brebis -© Marianne Thazet

Laine lavée - © Laines Paysannes

Laine lavée – © Laines Paysannes

Contrairement à l’Angleterre ou à l’Italie, la France a oublié son savoir-faire lainier (les laines). Au fil des dernières décennies, au rythme des délocalisations, nous avons perdu ce blason de notre industrie textile. Pourtant, l’histoire de la laine débute il y a dix mille ans. Il est vertigineux de constater combien l’interconnexion de l’humain et des races ovines a déployé de mythes, de croyances et de légendes. Or, en l’espace d’un demi-siècle, la laine chute de 10% à 1% des fibres textiles mondiales, contre 25% pour le coton et 65% pour les fibres synthétiques1. Cependant, il existe de petites entreprises qui prennent le problème à bras le corps et travaillent à la renaissance d’une filière locale sur nos territoires.

Valoriser la laine des Pyrénées

Laines Paysannes

Entre le mouton et vous, il y a nous, c’est tout.

C’est ainsi que Laines Paysannes se présente, et tout est dit dans cette déclaration. Olivia déclare fièrement:

Notre but est de revaloriser une ressource abandonnée en restructurant une filière Pyrénéenne. 

Entre plaine et montagnes des Pyrénées, l’idée est née d’une rencontre. Celle de Paul, éleveur de brebis, et d’Olivia, tisserande et lainière.

Olivia et Paul-Laines Paysannes

Olivia et Paul – Laines Paysannes

Olivia poursuit:

De la tonte au consommateur final, nous sommes capables d’assurer une traçabilité impeccable à chaque étape (récolte, lavage, filature, tricotage, distribution), en rémunérant au prix juste les différents acteurs.

Pour toute valorisation de la laine, il est très important que les éleveurs soient impliqués.

Début 2016, la création de l’association s’est faite et est devenue une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) en 2018. Le couple est ensuite rejoint par Magalie, Anaïs, Cécile et Sarah. Olivia explique:

La laine pousse toute au long de l’année sur le dos des moutons et se récolte une fois par an pendant la tonte. Pour garantir le bien-être animal et la qualité parfaite de la matière, chaque toison passe dans nos mains. Une par une, elles sont triées avec soin. C’est cette expertise de la matière qui fait toute la singularité de Laines Paysannes, sa démarche aboutie.

Pull Laines Paysannes

Pulls Laines Paysannes

Laines Paysannes : une gamme de produits naturels

Professionnels de l’industrie textile, ils maîtrisent la traçabilité de leurs produits :

Nous savons de quel troupeau viennent nos chaussettes ! Les couleurs des laines sont naturellement belles et variées. Nous avons donc fait le choix de développer une gamme de produits aux couleurs naturelles des moutons, sans aucune teinture.

 

Cette démarche séduit une clientèle en demande de produits sains, naturels, durables, autant de qualités garanties par une agriculture paysanne et diversifiée. Laines Paysannes produit des pulls mixtes, des chaussettes et bonnets, du fil à tricoter mais aussi des pièces de décorations comme des tapis. Et ne s’interdit pas de belles collaborations.

 

Laines Paysannes X Teixidors

Avec Teixidors, le partenariat est né. Il est autour d’un fil Laines Paysannes et d’un design mis au point ensemble pour des coussins, plaids, écharpes et châles. Teixidors est avant tout un projet social, qui travaille à l’insertion de personnes en situation de handicap grâce au tissage. Une rencontre affective, des valeurs communes. Avec le collectif de mode parisien GAMUT, qui se recommande d’une gouvernance horizontale, Laines Paysannes fait le lien avec la matière. Tout cela, pour un fil 100% laine utilisé dans la création d’une collection capsule. Promeneurs des Pyrénées, croiserez-vous la Caravane boutique d’Olivia et Paul sur les marchés locaux?

Une démarche de vente directe, esthétique, qualitative et contemporaine pour construire une mode libre et écologique.

Laines De Par Ici

Moutons – Laines De Par Ici

En Île-de-France aussi

À l’image de Laines Paysannes, Laine De Par Ici crée des ponts entre l’élevage et l’artisanat. Ce projet permet de mettre en exergue des solutions aux problématiques socio-économiques communes des éleveur.euse.s et des artisan.e.s.

L’objectif

Le but? Mettre à disposition des unités de transformation lainière pour que ces dernier.ère.s, à un niveau local en Île-de-France, se voient valoriser leurs productions.

Ce regroupement d’acteurs locaux et professionnels (ou en voie de professionnalisation) souhaite remonter une filière laine éthique et durable dans une perspective de développement et de distribution. Avec des valeurs affirmées : un système local, durable, social et solidaire qui revalorise les écosystèmes pour une agriculture écologique. Cet élevage respectueux de qualité  soutient les circuits-courts. Il maintient aussi l’artisanat lainier tout en garantissant la transparence et la traçabilité d’une laine des troupeaux d’Île-de-France revalorisée.

Naissance projet Laine De Par Ici

Laine De Par Ici est né à l’initiative d’Élise Jarreau et Olivier Marcoyoux. Aujourd’hui, le projet est à la tête de 300 brebis nourries en éco-pâturages. Un élevage dédié à la viande désormais nomade avec des transhumances tous les 3 mois, privilégiant le plein air dans des champs cultivés en bio. Pratique qui garantit une qualité de viande et de lait remarquables et, par ricochet, une laine impeccable pour les toisons valorisées par Élise dans les étapes de transformation suivantes.

Formé à l’École Du Breuil en agriculture urbaine et périurbaine et impliqué dans le projet, Lionel Buchman souligne la difficulté que rencontre la filière dans l’approvisionnement de fil:

avec un lot de 20 à 30 kg de laine, on produit une trentaine de pulls. La difficulté est de reconstruire une filière dévastée depuis 3 décennies.

Saviez-vous qu’après la tonte, on ne récupère qu’environ 50% de la laine à la suite des opérations de lavage et cardage? Lionel souligne:

Avec cette filière que nous tentons de recréer, nous tirons cette production vers le haut. Les moutons et brebis d’Olivier sont dans leur environnement et s’auto-nettoient naturellement, il y a donc moins de perte. 

C’est tout le sujet de l’agriculture régénératrice : pour augmenter la qualité, il faut repenser l’élevage.

Le problème des quantités

Difficile de trouver une place dans les filatures existantes avec de petits lots. Élise Jarreau embarque d’autres éleveurs.

Avec Laurence Anglade (Présidente de Laines de Par Ici jusqu’en 2020), elle crée un local à Magny-les-Hameaux avec pour ambition de réaliser les opérations successives post-tonte: lavage, cardage et feutrage. Un projet mis en pause par la crise sanitaire en 2020 mais qui reprend peu à peu. Il est complètement autofinancé, et devrait tourner à l’horizon 2022. Tout un écosystème se met en place avec des artisans disséminés sur le territoire français. Une vision écologique qui inclut une unité de lavage mobile respectueuse des écosystèmes, l’étape de lavage s’avérant très polluante. La problématique actuelle reste de réunir les éleveurs d’Île-de-France pour les embarquer dans ce système de revalorisation de la filière. En connectant les éleveur.euse.s avec les artisan.es teinturier.ères locales qui travaillent les teintures naturelles et les marques de mode éco-responsables, on crée de l’engouement autour d’une matière première d’exception.

Laines De Par Ici Tonte moutons

Tonte moutons – Laines De Par Ici

Le cas du mérinos d’Arles

Philippe Rodzinski s’intéresse lui aussi à la chaîne de valeur, à la transparence, et à l’économie circulaire. Avec le nouveau label Kermer, il monte un cahier des charges qui privilégie la transparence et l’écologie sur la chaîne de production et la chaîne de valeur. Avec pour toile de fond une revalorisation de la main de l’homme garantissant une réduction de l’empreinte environnementale en écartant l’usage de tout produit synthétique.

Pour mettre en place une ligne complète avec une traçabilité complète et certifiée 100% française, il choisit la laine mérinos d’Arles, un produit exceptionnel remis en route il y a une trentaine d’années mais aujourd’hui exportée à 90% vers l’Asie. L’origine des troupeaux (environ 1000 têtes aujourd’hui) est garantie au plateau près. La filature est implantée près d’Arles. La Scoop Clarenson tissera les lainages à Brassac. Le cahier des charges inclut des teintures végétales aux couleurs explosives (“lemon”, “green”, “magenta”) aux côtés des couleurs naturelles des troupeaux. Des essais en unis et en chinés sont en cours avec de belles perspectives au niveau de la main, des finitions et des tissages rares (natté, sergé, satin). Un projet toujours en R&D mais qui suscite déjà l’engouement, avec une première commercialisation prévue au cours de l’été 2021. Philippe Rodzinski conclut:

On peut revenir à notre savoir-faire ancestral et monter des filières responsables et locales, à nous de montrer que c’est possible!

Le grand public ne s’y trompe pas et plébiscite aujourd’hui de plus en plus des produits de mode transparents et traçables. Un bel avenir pour une agriculture régénératrice qui recrée du lien social au niveau des territoires.

  1. Les Textiles, ouvrage collectif, éditions Actes Sud/ Fondation d’Entreprise Hermès (2020).
Catherine Dauriac

Catherine Dauriac

Rédactrice en chef adjointe de la revue Hummade

Présidente Fashion Révolution France

Partenariat Revue Hummade: Fashion Green Hub et Plateau Fertile

Partenariat Revue Hummade: Fashion Green Hub et Plateau Fertile

Article extrait de la revue Hummade #3 et rédigé par Catherine Dauriac.

Lancée sur Instagram le 18 août 2016 par La Fabrique Idéale, la notion d’#autonomievestimentaire propose de reprendre la main sur l’hyper consommation, à l’instar des concepts d’autonomie alimentaire et énergétique, pour une transition douce vers une indépendance retrouvée. Le bonheur de faire dans une philosophie zéro déchet, la puissance des makers dans la douceur d’une mode libre.

Résumé des épisodes précédents :

  • La Fabrique Idéale et la Réparation (Hummade #1).
  • Sondès Louati Jarraya, un sur-mesure réinventé (Hummade #2).      

 « Ne doutez jamais qu’un petit nombre de citoyens volontaires et réfléchis peut changer le monde ; en fait, cela se passe toujours ainsi. »

Margaret Mead

 

Plateau Fertile extérieur

Fashion Green Hub, l’écosystème de la mode agile

Tout a commencé en 2017 avec les Fashion Tech Days, un programme de conférences autour de la fashion tech. Annick Jehanne, Présidente de l’association, étudiait alors une proposition de formations autour des métiers de la mode (Hubmode). Elle réunit alors pour deux jours des professionnels du secteur au sein du CETI. Elle lance les échanges qui deviendront par la suite un rendez-vous annuel.

Avec Majdouline Sbai (Sociologue et Vice-Présidente qui pilote les Fashion Green Days – 700 inscrits à chaque édition), elles étendent depuis le questionnement à d’autres sujets cruciaux de l’industrie. Avec Fashion Green Mind, un think tank qui partage le savoir d’experts, une production de nouvelles connaissances inter-entreprises est présente là où il n’y en a pas. C’est l’exemple avec le lancement de nouveaux produits, le business model, adaptés au besoin des entreprises, de manière collaborative et en open source… Aujourd’hui, sont créés un groupe sur le lin, l’upcycling, le zéro plastique. Avec la pandémie et le boom du digital, ces rendez-vous sont aujourd’hui suivis à distance par des centaines de personnes. Et, ils apportent plusieurs fois par an des réponses aux questions qui se posent. C’est notamment le cas sur les avancées vers plus d’écoresponsabilité dans un secteur qui subit la crise sanitaire de plein fouet.

L’Association Fashion Green Hub (FGH) compte aujourd’hui plus de 300 adhérents actifs. Et elle se déploie à Roubaix, Lyon et Paris via les Cafés Fertiles orchestrés par ses membres. Grands groupes compris.

Photos Coralie et les filles
impression numérique 2D 3D PF
Atelier Plateau Fertile couturière

L’Atelier Agile

Guillaume Aélion en charge de l’Atelier Agile

Guillaume Aélion (transfuge de la construction industrielle et de l’accompagnement digital des chefs d’entreprise), passionné par l’humain, s’inscrit dans la durée avec FGH, après le premier confinement et la fabrication des masques pour les soignants avec le projet Résilience. Aujourd’hui en charge de l’Atelier Agile, un atelier local duplicable, entièrement automatique en industrie 4.0, mutualisé avec un programme ambitieux. Redévelopper les compétences et les savoir-faire, produire et relocaliser en France.

On aura gagné quand d’autres créeront des ateliers agiles ailleurs.

Guillaume Aélion

Soutenu par plusieurs acteurs de l’industrie, ce démonstrateur de mode circulaire à la demande intègre l’utilisation de matières recyclées et autres stocks dormants des marques. Il y associe une unité de production 3D et une très grosse imprimante numérique et écologique qui permet d’imprimer 80% des tissus existants. Le programme (attendu pour septembre 2021) est à destination des marques et enseignes qui souhaitent réutiliser leurs invendus. Il s’adresse aussi aux entreprises plus petites qui peuvent commander le prototypage de leurs collections ou des collections capsule. Et ceux, dans un délai raccourci à 7 jours.

Frédérique Aplincourt développe des projets créateurs et d’upcycling

Une des missions phares de FGH, et un travail coordonné par Frédérique Aplincourt (ancienne modéliste et patronnière Homme/Femme, cuir et maille dans plusieurs marques de prêt-à-porter comme Bidermann et Camaïeu, RSE chez Cyrillus, Morpho chez Balzamik, …) au sein de Plateau Fertile. Elle y développe à la fois des projets avec les créateurs (La Vie Est Belt) et des projets d’upcycling avec les marques partenaires comme Blancheporte, qui revalorise ses fins de stocks de draps dans une ligne de sacs ou d’étuis d’ordinateurs.

« Notre vocation c’est de travailler avec les centrales sur leur réflexion générale Zéro Waste et leurs stocks dormants. »

Frédérique Aplincourt

 

Plateau Fertile mène également une mission de formation et d’accompagnement. En partenariat avec Pôle Emploi, des personnes en insertion peuvent ensuite être embauchées au sein de Plateau Fertile. Cette mission est en évolution permanente et pourra aussi être développée avec des façonniers qui n’ont pas de bureau d’études.

Equipe Atelier
Travail Plateau Fertile Atelier

Campus

Au cœur du dispositif, les formations 2D et 3D permettent de partager les savoir-faire. En effet, les Fashion Green Business ont démarré au printemps 2021, avec succès. Une deuxième session est déjà prévue en septembre. Menée par 12 coachs extraordinaires issus de différents métiers de la mode, de l’opérationnel à la communication en passant par les experts matières, les sessions sont ouvertes aux porteurs de projets et aux jeunes marques créatives qui veulent apprendre vite et dans des situations pratiques.

Formation 2D 3D

À venir, une formation plus longue de 4 mois. Elle est destinée aux couturier.ère.s qui souhaitent travailler l’upcycling, suivie de promesses d’embauche directement dans l’atelier ou dans des ESAT par exemple. Aujourd’hui, il existe une demande exponentielle dans le textile et, pourtant, des CFA ferment. Il faut rafraîchir les formations, les alléger, les rendre accessibles et booster les ateliers qui travaillent sur le Made in France. C’est ce que nous allons faire dès la rentrée 2021.

Annick Jehanne

Présidente, Fashion Green Hub

D’autres projets vers les écoles sont à l’étude, de la réflexion à la création d’une marque de t-shirts. Par exemple, comme le projet EQUALITY avec un groupe de lycéen.ne.s de Watreloos qui travaillent sur l’égalité des sexes.

projet lycéens equality shop

Fashion Green Hub : une économie symbiotique

Fashion Green Hub est un exemple parfait de ce que l’économique symbiotique. Roubaix prône dans ses objectifs de transition : régénérer les ressources sociales sur un territoire donné, régénérer les ressources matières (tissus et fibres) et économiques en créant un tiers-lieu. Cette innovation profite aussi bien aux gros acteurs du textile qu’aux petits ateliers de confection, favoriser des fibres positives pour les sols. Et la gouvernance partagée profite à tous. Ils créent un système réplicable dans n’importe quel territoire avec une contribution commune. Sûrement une des meilleures alternatives à ce que nous préparent Amazon ou Alibaba au niveau de la mode personnalisée.

Isabelle Delannoy

Experte en développement durable, Do Green - économie symbiotique

En 2021, les événements Fashion Green Days se sont accélérés : « Fast & Green » en janvier dernier, « Upcycler la mode » en mars, 2 événements à suivre (« Territoires Fabricants » en octobre, puis un Fashion Tech Day « Mode Virtuelle » 100% virtuel en novembre prochain). Save date !    

FGD Upcycler la mode équipe

Upcycling et produits propres

Après leur campagne participative qui mettait en valeur, sous l’égide d’Arielle Levy (Vice-présidente), une collection de t-shirts produits à Roubaix dans des matières responsables, FGH se projette dans l’avenir avec un projet ambitieux. Créer ses propres objets mode et hors-mode, et les vendre, notamment via la marketplace mise en place à Noël 2020.

Crédits photos : Anne-Laure Eustache, Yu Ledoux et équipe communication.
Source : L’Économie Symbiotique, Isabelle Delannoy, Actes Sud, 2017.

Catherine Dauriac

Catherine Dauriac

Rédactrice en chef adjointe de la revue Hummade et présidente de Fashion Revolution France

Portrait de Catherine Dauriac réalisé par Fabrice Jonas disponible ici.