«Limiter son impact environnemental ne suffit plus, il faut passer au modèle régénératif»

«Limiter son impact environnemental ne suffit plus, il faut passer au modèle régénératif»

Pourriez-vous retracer votre parcours en quelques mots?

Bertrand Thuillier : Après des études de biologie et d’écologie, je me suis orienté vers l’environnement. J’ai fait du conseil, puis de la formation pour adultes, avant de devenir consultant en développement durable. Pendant 17 ans, j’ai accompagné des collectivités et des entreprises sur les thématiques de la gestion du changement, notamment climatique, l’éco-conception, etc. En parallèle, j’ai poursuivi des recherches sur l’économie régénérative et les modèles symbiotiques. Je suis ensuite entré chez Vinci, au sein du bureau d’études Environnement et sciences du vivant. J’ai rejoint il y a quelques mois l’établissement d’enseignement supérieur privé Lumia (06) en tant que chargé de recherche-action en économie régénérative.

Bertrand Thuillier

 

Quel est votre rôle au sein de Lumia?

Bertrand Thuillier: Lumia a été créée il y a deux ans par un collectif de chercheurs, emmenés par Christophe Sempels. L’idée fondamentale, c’est qu’il faut transformer les personnes avant de transformer le modèle économique d’une entreprise. Il y a donc plusieurs pôles : une école de la transition, ouverte à tous, un pôle de formation des dirigeants et cadres, et le pôle de recherche-action, au sein duquel je travaille. Dans ce cadre, nous sommes en train d’établir un référentiel et un mode d’emploi, pour permettre aux entreprises de passer de leur modèle actuel à un modèle régénératif.

Quels sont les grands principes qui guident l’économie régénérative?

B.T : Actuellement, particuliers et entreprises sont invités à réduire leur impact sur l’environnement. Ce n’est pas suffisant pour enrayer le changement climatique et les dégâts causés sur les écosystèmes, comme sur les communautés humaines. Le modèle régénératif invite à aller plus loin, en réfléchissant en termes d’impact socio-écologique net positif. C’est-à-dire, comment laisser une ressource, non pas le moins abîmée possible, mais en meilleur état qu’avant notre passage. Pour cela, il faut raccrocher son modèle économique au vivant, pour bien identifier les différentes façons dont son activité affecte les écosystèmes, ici ou à l’autre bout du monde.

Mais selon les domaines d’activité des entreprises, le diagnostic sera plus ou moins difficile à établir, et les moyens d’actions, plus ou moins directs.

B.T : En effet, si les principes restent les mêmes, selon le type d’entreprises, les problèmes à adresser ne seront pas les mêmes. Mais toutes les entreprises sont concernées. Dans le BTP par exemple, la question se pose déjà de façon très concrète. Dans les nouvelles technologies, le lien avec la ressource naturelle peut être plus ténu. Il faut alors réfléchir autrement, trouver comment avoir un impact positif au travers d’une autre partie prenante. Ou comment accompagner sa communauté de clients, pour les aider, à leur tour, à changer de modèle. Il y a différentes façons d’avoir un impact positif.

Sentez-vous les entreprises prêtes à changer en profondeur leur modèle, malgré les investissements et les contraintes que cela implique?

B.T: C’est en effet un changement radical, une rupture. Cela peut prendre du temps, jusqu’à deux ou trois ans. Mais les dirigeants d’entreprises sentent bien de toute façon que l’on arrive au bout d’un modèle. La comptabilité en triple capital, méthode de référence qui permet de mesurer la performance sociale et environnementale des entreprises, en plus de la performance économique, est parlante. Elle permet d’évaluer les dépenses qui seraient nécessaires à une entreprise, pour compenser les effets néfastes de ses activités. Il est établi que 95% des entreprises mettraient la clé sous la porte si elles étaient réellement facturées pour les dommages qu’elles causent.

J’ai assisté récemment à la Convention des Entreprises pour le Climat, qui réunit 175 entreprises de toutes tailles. Elles ont toutes pris conscience des enjeux. Nous sommes, de toute façon, rattrapés par la physique. Le coût des énergies est exorbitant, il y a des pénuries de matières premières dans tous les secteurs… Elles se rendent bien compte qu’il n’y aura pas d’autre solution que d’aller vers la régénération. La réduction de l’impact ou la compensation ne suffisent plus, il faut passer à une étape supérieure.

Quels sont les premiers leviers à actionner pour les entreprises qui voudraient se lancer dans cette dynamique?

B.T: Nous sommes en train de mettre au point des outils diagnostics et surtout, des feuilles de route. L’idée est de rendre la démarche mesurable et duplicable, avec des objectifs clairs. Pour ce faire, nous accompagnons déjà une quinzaine de chefs d’entreprises. Et nous sommes en train de constituer un corpus d’une centaine d’entreprises de différentes tailles, et de tous secteurs. Avec elles, nous testerons des outils, pour voir jusqu’où on peut pousser l’exercice. L’idée est également de créer des premiers écosystèmes coopératifs, entre les entreprises engagées sur ces sujets. Au cours de mon intervention lors des Fashion Green Days, j’aurai l’occasion de détailler deux cas pratiques. Deux exemples d’entreprises qui se sont engagées sur la voie du modèle régénératif, pour justement, répondre à cette question simple: «comment on y va?».

 

Retrouvez le replay de l’intervention de Bertrand Thuillier sur les business model régénératif ici.

Jeanne Magnien

Jeanne Magnien

Journaliste, je suis passionnée par les sujets textiles et notamment, la façon qu’a l’industrie de se réinventer. À la croisée de quantités d’enjeux contemporains, environnementaux comme sociaux, elle relève tous les défis!

Alexandre Lemille – “Demain, nous pourrions tous être agriculteurs”

Alexandre Lemille – “Demain, nous pourrions tous être agriculteurs”

Agriculture

Alexandre Lemille est expert en mesure d’impact social. Il dirige Anthesis Group (France) dont l’objectif est de répondre aux défis systémiques auxquels les organisations privées ou publiques font face aujourd’hui.

Dans une approche co-créative, le cabinet de conseil Anthesis Group aide ses clients à réduire leur empreinte écologique, à concevoir des produits circulaires et à mettre en œuvre leur réusinage ou reconditionnement. Anthesis Group s’attache à créer de nouvelles expériences pour les clients, citoyens et producteurs. L’accent est mis sur le caractère mesurable des démarches entreprises, notamment en termes d’image et de rentabilité.

Alexandre Lemille est engagé sur les discussions concernant notre prochaine économie avec l’humain en son cœur depuis plus de 10 ans. Il a présenté les enjeux de la régénération lors d’un intervention à l’occassion des Fashion Green Days en avril 2022. En aval de l’évènement, il nous explique en quelques mots ce qu’est l’économie régénératrice.

 

Qu’est-ce qui caractérise l’économie actuelle?

Nous sommes dans une économie de fausse abondance. De nombreuses ressources sont gaspillées. Les indicateurs utilisés pour mesurer la rentabilité, le succès d’une entreprise ne sont plus les bons. C’est l’environnement qui doit aujourd’hui avoir la priorité.

De nombreux acteurs l’ont compris. Ils mettent en place les principes de l’économie circulaire au sein de leur démarche de production. L’objectif est de limiter au maximum la production de déchets et le gaspillage des ressources.

Pour aller plus loin, il faut ajouter une dimension plus large: la régénération des systèmes. Pour cela, il faut prioriser les systèmes naturels de production.

C’est un changement en profondeur. Dès lors que la mesure du retour « global » sur investissement englobe l’aspect social et environnemental, la démarche fait sens pour l’avenir de l’industrie en général.

De l’économie circulaire, il faut aller vers l’économie régénératrice.

 

Quelle est la différence entre l’économie circulaire et l’économie régénérative?

L’économie circulaire reste un sujet technique pour l’industrie. On cherche à concevoir un produit en produisant le moins de déchets et de pollution possible.

L’économie régénérative connecte des écosystèmes et des industries différentes. L’objectif commun est de préserver le vivant sur Terre, de faire plus avec des ressources évoluant en symbiose. La démarche est différente. Au lieu de penser en silo, et d’essayer de faire le mieux possible au sein de sa propre industrie, les industries communiquent entre elles.

 

Pouvez-vous donner un exemple?

L’industrie du textile est intrinsèquement liée à l’industrie de l’agriculture. Demain, au lieu de faire circuler un pull usagé pour qu’il continue d’être porté, on pourrait le composter, pour qu’il engendre des plantes qui nourriront les prochaines générations de population.

Lorsqu’un t-shirt reste ou redevient un t-shirt, on reste dans le vertical, dans un silo. C’est l’économie circulaire. Mais si le t-shirt éco-conçu pour qu’il se retrouve dans un cycle agricole afin de produire du coton ou de l’alimentaire, nous sommes dans une toute autre dimension, celle latérale de l’économie régénérative.

Ainsi, on démultiplie les ressources tout en préservant le vivant. Un produit ne redonne pas un produit, mais engendre 30 produits qui vont à leur tour en engendrer trois fois plus.

 

Comment mettre en œuvre une mode régénératrice?

La clef, c’est d’utiliser moins pour faire plus différemment. Et pour cela, toutes les industries doivent travailler ensemble, de manière interconnectée, dans l’objectif de préserver le vivant.

Cela implique de nombreux aspects: bannir l’usage de perturbateurs endocriniens, de substances chimiques, se tourner vers des matériaux bio-sourcés, utiliser des énergies plus diffuses, renouvelables…

Cela nécessite surtout de penser de façon latérale plutôt que verticale.

Chaque marque de mode pourrait se dire:

“Je fais pas que du textile, mon article fait partie d’un paysage d’échange de matière et d’énergie dans lequel l’activité autour de mon t-shirt crée de nouvelles ressources.”

Pour y arriver, l’enjeu est de faire travailler ensemble plusieurs industries, par exemple le textile et l’agricole.

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Lors de son intervention aux Fashion Green Days, Alexandre Lemille a expliqué comment les acteurs de la mode peuvent passer d’une économie circulaire où l’on pense “produit” à une économie régénératrice dans lequel le produit devient une pièce d’un puzzle, dont tous les acteurs œuvrent ensemble pour préserver le vivant.

Inscrivez-vous ici pour assister à cette conférence inspirante.

Glynnis Makoundou

Glynnis Makoundou

Avocat au Barreau de Lyon

Forte de 10 ans d’expérience en tant que juriste e-commerce, créatrice de marque d’accessoires et blogueuse mode, elle a créé en 2022 un cabinet dédié aux entrepreneurs et professionnels du secteur de la mode, qu’elle conseille et représente en droit des affaires, du numérique et de la propriété intellectuelle.

Fashion Green Business saison 2: les apprenantes se livrent… #2

Fashion Green Business saison 2: les apprenantes se livrent… #2

Épisode 2 – Voyage

Prêts pour le voyage? Avec Johara, on part sur les marchés africains, Clotilde nous expat’ à Barcelone et Marine nous embarque à Marseille sur un bateau de pêche, avec ou sans filet… c’est parti pour l’aventure Fashion Green Business!

Tous les chemins mènent à la mode durable…

Johara Boudouani Porteuse de projet JbyJohara avec le cursus Fashion Green Business

J by Johara: une marque qui respire la joie de vivre

Johara Boudouani est Lilloise. Elle a travaillé dans la supply chain pour des sociétés de transport international. Elle a voyagé, elle a besoin de ça pour grandir, et aime s’enrichir de ses rencontres. Le dress code en entreprise ne lui convenait plus, même si pour elle:

«La mode est une extension du voyage. J’ai créé J by Johara fin 2019: J pour «joie». J’aime donner de la joie par mon attitude positive.»

La mode durable, pour Johara, c’est choisir la simplicité, respecter son rythme, aller à l’essentiel, prendre son temps au lieu de courir pour ressembler à tout le monde.

«Ce que je propose, c’est simple et efficace, c’est permettre aux gens de se révéler et d’allonger la durée de vie du vêtement. J by Johara, c’est choisir d’entrer dans un univers coloré et joyeux par le tissu wax, mettre en valeur tous les corps, accepter ses différences, les traduire par des motifs et des couleurs, c’est gommer le ciel trop souvent gris du Nord par des collections limitées et faites en France

Clothilde donne vive à son projet durable à Barcelone

Le chemin de Clothilde Chaudret est tout autre: des études business, 10 ans dans les RH et la gestion de projet, notamment dans une entreprise engagée pour l’environnement. Des enfants en bas âge qui grandissent vite, des vêtements à renouveler tout le temps…

«J’ai pris conscience du gaspillage textile, je me suis mise à coudre et j’ai découvert la mode durable. Et maintenant, je pars donner vie à mon projet à Barcelone! Je compte proposer une solution de dépôt vente pour supprimer la charge mentale des parents qui doivent renouveler le contenu des armoires de leurs enfants dès qu’ils grandissent. Je me réjouis de simplifier le quotidien de familles dynamiques, joyeuses et engagées.»

Clothilde Chaudret Porteuse de projet avec le cursus Fashion Green Business
Marine Olacia Porteuse de projet avec le cursus Fashion Green Business

Marine Olacia: des voyages à une prise de conscience

Le voyage est dans la vie de Marine Olacia. Pour ses études de styliste, ses jobs, elle a beaucoup bougé. Avec Bershka (groupe Inditex) basé à Barcelone, elle a pratiqué le voyage d’inspiration en Asie, aux États-Unis, à Londres et Amsterdam et les voyages de production au Bangladesh notamment.

«C’est là que j’ai été impactée en voyant le surplus de déchets industriels, les décharges dans les rues, l’impact de la mode sur l’humain et l’environnement, le travail à la chaîne. À mon retour en France, j’ai voulu impulser une vision plus éthique, plus écologique, en commençant par les matières.»

«Je me suis également engagée dans une association environnementale, comme bénévole puis ambassadrice, et j’ai découvert qu’il y avait des tonnes de déchets de filets de pêche qui demandaient un débouché. La valorisation/transformation des filets n’est pas développée en 100% fait en France et c’est mon point de départ. Je souhaite valoriser les déchets marins pour créer une marque de sport éco-responsable et 100% réalisée en France, depuis la création d’une nouvelle matière jusqu’à la confection. Le projet est phase d’amorçage sur le bassin méditérannéen.»

Leur univers   

Johara: «Mon univers est cosmopolite, c’est se sentir bien partout où que l’on soit, donner de la joie, oser se montrer sous un nouveau jour habillé d’un tissu fort en signification. En 2019, j’ai suivi l’italienne Maria Grazia Chuiri chez Dior pour sa collection wax.»

Marine: « Mon univers, c’est le vêtement technique et intemporel, durable. Une mode qui répond à un besoin, pas à un coup de cœur. Je suis fan des baskets Veja, de Victoria Beckham et de Stella Mc Cartney.»

 

Leur atout cœur

Johara facilite le choix de ses clients avec un mono produit (une coupe de base) et un design qui permet de varier les empiècements, les couleurs.

« Je fais participer mes clients sur Instagram au choix des tissus. Les motifs de ceux-ci sont nommés par les femmes sur les marchés africains. J’aime raconter ces histoires.»

Pour Clotilde, c’est une solution «seconde main» pour les expatriés de Barcelone car il existe peu de dépôts-vente dans cette ville. Son défi, c’est tout faire pour qu’un même vêtement puisse être porté par 5 enfants. Cerise sur le gâteau: elle crée des looks (pack vêtements assortis) avec un packaging très créatif pour rendre le produit de seconde main, plus que désirable… irrésistible! Et elle le fera aussi pour les jouets!

 

L’atout cœur de Marine, c’est son envie de s’adapter à notre environnement. Elle utilise sa créativité pour mettre au point une matière et un produit pour les sports d’eau, tout en restant ouverte à d’autres pistes.

 

Mesdames rêvent…

 «Mon rêve, c’est d’habiller les gens ici et là, et aussi les personnes en situation de handicap. Avoir deux boutiques ateliers en Asie et en Afrique et développer la marque de Lille avec des ateliers de réinsertion Johara

«Que l’on devienne tous minimalistes pour nos garde-robes. Réapprenons la valeur des choses et à les faire durer!» Clotilde 

«Sauver le monde!  Avoir des mers et des océans moins pollués, ce sont les poumons de notre terre  Marine 

 

Un message à transmettre ou une émotion?

Johara: «Il faut oser car c’est bon d’être soi. Être joyeux, authentique et rêveur. Ne plus surconsommer car c’est frustrant.»

Clotilde: «Partager la fierté de porter de la seconde main et d’être stylés!»

Marine: «À travers l’achat de mon produit, on s’engage pour la protection des mers. Pour vraiment changer les choses, il faut agir, nous sommes des consommateurs- acteurs de notre futur.»

 

Alors, ce cursus Fashion Green Business?

Johara : «Ce cursus m’a rassuré sur beaucoup de points, m’a poussé à revoir, creuser mes idées, à me remettre en selle, rester humble et positive. Les intervenants sont top et j’ai fait de belles rencontres avec les porteuses de projets.»

Clotilde : «Le cursus Fashion Green Business est super intéressant. C’est une belle communauté de porteuses de projet avec des cours pragmatiques et concrets. Top pour s’ouvrir l’esprit, pour voir les choses autrement. La preuve, j’ai changé de projet en cours de route!»

Marine : «Il m’a permis de m’ouvrir au champ des possibles

 

Retrouvez les produits de Johara sur : www.jbyjohara.fr.

D’autres apprenantes de Fashion Green Business se sont livrées ici.

Sylvie Bourgougnon

Sylvie Bourgougnon

Créatrice de Griffe de Louves, une marque et un concept pour les femmes aux cheveux grisonnants : créer ensemble des kimonos écolos, vivre une expérience inédite et joyeuse pour se révéler et changer le monde. Liberté, créativité, sororité!

Lucile Martin: actrice d’une filière locale en Occitanie

Lucile Martin: actrice d’une filière locale en Occitanie

La France possède un cheptel de près de 5 millions de brebis qui produisent environ 6000 tonnes de laine par an (*). Cette laine est de qualités très différentes et dont la valorisation est également variable. Les activités de transformation de la laine se sont raréfiées sur le territoire. La laine française était jusqu’à récemment exportée pour 80% vers la Chine. Celle-ci était majoritairement transformée pour le marché américain. Depuis la crise de la Covid-19, la Chine a cessé ses importations de la laine qui, de fait, s’accumule dans les hangars des éleveurs. Cette chute de la demande chinoise est catastrophique pour la filière. Et si l’outil productif français existe toujours, il doit être modernisé et mis aux normes environnementales.

Mais la filière est en train de retrouver ses lettres de noblesse. Elle se réinvente et offre sur le moyen et le long terme de véritables opportunités. De plus, le gouvernement a la volonté de promouvoir dans une logique vertueuse de développement durable et économique.

Une filière lainière locale à réinventer

Lucile Martin est tisserande et fondatrice de la maison de tissage Origines Tissage à Castres. Actrice passionnée de cette filière en Occitanie, elle explore de nouveaux débouchés avec des matières exclusivement naturelles, dans une démarche responsable pour répondre aux attentes sociétales d’une consommation locale et de pérennisation des savoir-faire.

Lucile Martin Origines Tissage
Origines Tissage Machne mécanique

L’amour des matières naturelles, laine, lin et chanvre

Lucile Martin découvre la laine à l’occasion d’un stage de tissage. C’est une révélation! Elle en fait l’une de ses fibres de prédilection avec le lin, le chanvre et le coton. Elle apprend le métier et se forme dans la Creuse. Cela est possible grâce au réseau Lainamac auprès de maîtres artisans reconnus, vit aujourd’hui de cette passion. Et même si elle ne possède pas encore son propre atelier (qui demanderait d’importants investissements en machines et bien qu’elle y songe), elle crée ses tissages dans un atelier ami adjacent où elle continue d’apprendre sur le terrain y compris sur la partie mécanique qu’elle adore, entourée de ses pairs. On ne tisse jamais seul !

Lucile cherche le juste équilibre entre origine, comportement de la fibre et effet de l’armure. Elle explore la voie de nouveaux approvisionnements comme la laine Mérinos d’Arles (la plus qualitative) ou de Normandie. Elle aime à laisser s’exprimer les couleurs et les teintes naturelles. Ses tissages sont à la fois artisanaux, c’est-à-dire réalisés sur des métiers en bois à bras et semi-industriels avec des machines mécaniques. Elle permet aux jeunes créateurs d’accéder à des métrages plus faibles (à partir de quelques dizaines de mètres) pour la réalisation de prototypes ou de petites séries. Son offre de commande collective, d’échantillonnage et de tissage à la commande est un vrai plus. Plus tard, elle aimerait l’élargir pour le secteur de l’ameublement au tissage de tapis haut de gamme. Elle souhaite également continuer à travailler des matières qui lui plaisent…

Mode et Vivant

Lucile incarne parfaitement au sein de cette filière le thème de «Mode & Vivant» de l’édition 2022 de ces Fashion Green Days. Présente à la table-ronde sur les circuit-courts, on peut cependant se demander ce que recouvre cette appellation. Plusieurs initiatives locales se développent dans les différents bassins de production. Dans les Alpes-Maritimes par exemple, le projet «Laine rebelle» illustre le circuit court de proximité: de la tonte au filage et à la confection de vêtements et accessoires vendus en boutique.

Lucille ose interroger cette notion de local: installée dans le Tarn, elle est plus proche des filatures du Nord de l’Italie (premier producteur de fils) à 600 km de Castres que de celles du Nord de la France situées à plus de 1 000 km. En Occitanie, l’élevage, le lavage, le tissage et l’ennoblissement se concentrent dans un périmètre de 800 km. Mais il faut parfois aller chercher du lin en Europe. Dans les deux cas, de nombreuses activités profitent à l’économie sur le territoire à un maillon ou un autre de la chaîne…

Lucile tisse son projet dans le métier, en véritable chef d’entreprise qu’elle est devenue, beaucoup par la force des choses. Elle aurait aimé pouvoir bénéficier d’une formation en alternance avec des stages pratiques qui répondent aux besoins de la filière. Or le secteur pèche encore par son manque de formations globales. Il y a un besoin de centres d’apprentissage pour former les futurs acteurs (pas seulement des designers textiles mais bien tous les corps de métiers) à autant de compétences requises: approvisionnement, gestion d’une usine, planning de fabrication, fabrication, entreprenariat, vente… Mais il est une chose que Lucile a appris – en circuit court sur le terrain – c’est à donner sa confiance et à engager la confiance de ses clients! Car, quand elle ne tisse pas, Lucile va à la rencontre des autres artisans, des écoles, des associations, des maisons de couture et des créateurs qui veulent rentrer dans cette économie circulaire. Je vous invite à aller, vous aussi, à regarder le replay de l’intervention de Lucile Martin à l’occasion d’une table ronde sur «Les circuits courts et la création».

 

(*) source: Senat.fr (2021)

Vérionique Juillet

Vérionique Juillet

Fondatrice de Marthe Paris et partenaire d’Origines Tissage pour la confection de robes urbaines en matières naturelles. Membre de l’équipe Animation du groupe Grand Paris de l’Association Fashion Green Hub depuis 2020.

La recherche de la naturalité au travers des colorants naturels multifonctionnels

La recherche de la naturalité au travers des colorants naturels multifonctionnels

colorants naturels textiles

Diplômée Ingénieure Textile à l‘ENSAIT de Roubaix, Usha Massika Behary est aussi titulaire d’un Doctorat de Chimie Organique et Macromoléculaire. Maître de conférences à l’ENSAIT (École nationale supérieure des arts et industries textiles) et membre du laboratoire GEMTEX (Génie des Matériaux Textiles), elle dirige depuis 2013 la recherche « Éco et Biotechnologies pour fonctionnaliser le textile et application au contact du vivant ». Elle parlera des colorants naturels.

Ses recherches portent sur des colorants naturels multifonctionnels. Ceux sont des colorants qui peuvent avoir plusieurs actions: coloration, action anti-bactérienne, action antifongique, traitement médical, protection UV, photoluminescence.

Ses travaux se concentrent sur la biofonctionnalisation du textile avec des molécules du vivant. La fonctionnalisation d’un textile, c’est l’action de rendre fonctionnel ce textile.

Textile végétal

La biofonctionnalisation, l’apport de fonctionnalités par des moyens naturels, peut intervenir à plusieurs stades du cycle de vie du textile:

  • Avant la teinture du textile: En préparant le textile, via l’élimination de molécules qui gênent la teinture par exemple.
  • Lors de l’utilisation du textile: en plus de la coloration, en apportant une protection UV ou une protection anti-feu, en rendant le textile antibactérien ou antifongique, etc.
  • Lors de la gestion de la fin de vie du textile: les biotechnologies peuvent permettre d’enlever certaines molécules afin de faciliter sa décomposition.

L’utilisation de ces molécules naturelles présente de nombreux avantages:

  • Leur caractère naturel les rend biodégradables.
  • Certaines d’entre elles peuvent être utilisées à température ambiante.
  • D’autres peuvent agir sans eau.
  • Malgré les idées reçues, certains colorants naturels sont durables et très efficaces en utilisant un process adapté.
Pot de turmeric

Tous les produits naturels ne sont cependant pas sans danger. L’utilisation du fer ou de l’alun comme mordants (pour augmenter la résistance de la teinture) doit être limitée. En effet, ils peuvent être nocifs en fonction des quantités.

Les premières recherches menées par Usha avaient un objectif thérapeutique. Elle a notamment étudié la curcumine pour ses propriétés antibactériennes et de photoluminescence. La curcumine est aussi étudiée pour ses propriétés antifongiques et dans le cadre de traitement contre le cancer.

Depuis, ses périmètres d’action ont évolué. Jusqu’à peu limitée à des pratiques artisanales, la teinture naturelle intéresse désormais d’autres industries.

Par exemple, l’industrie cosmétique qui investit dans ses sujets et aussi l’industrie de la mode, qui vit une prise de conscience et de profondes mutations depuis la crise du COVID notamment et réfléchit à des solutions durables et naturelles.

Lors des Fashion Green Days « Mode et vivant », Usha a évoqué ces sujets et présentera ce monde qu’elle qualifie de « fantastique ».
Inscriptions pour assister au replay de l’événement c’est ici.

Clothilde Gaumy

Clothilde Gaumy

Je mets en place des initiatives pour aider un maximum de personnes à passer à un mode de vie respectueux du vivant. Dans cet objectif, je suis en train de créer une marque de chaussures naturelles et respectueuses du vivant.

Il y a des choix à faire, nous les avons faits

Il y a des choix à faire, nous les avons faits

A la veille de l’ouverture des Fashion Green Days de Nantes, les 16 et 17 novembre, nous avons échangé avec Solenn Joret et Isabelle Desfontaines, respectivement Directrice de la Communication et Directrice Développement Durable du groupe.

L’occasion de revenir sur la trajectoire, les avancées et les innovations de « la maison ERAM » fortement engagée autour de la performance responsable.

 

 


Le groupe ERAM en quelques mots : 
9 marques de mode accessible dans les domaines de l’habillement, de la chaussure et des accessoires ( Eram, Bocage, Mellow Yellow, TBS, Montlimart, Sessile, Gemo, Dresco, Parade) Un groupe familial basé dans le Maine et Loire depuis 1927, qui n’a de cesse de se réinventer, se remettre en question et innover

Une ambition : devenir une entreprise de référence reconnue pour ses performances responsables, en s’appuyant sur ses valeurs de simplicité, responsabilité, ouverture d’esprit. Et l’engagement de ses quelque 5500 collaborateurs.

 

Solenn, Isabelle, l’énergie du groupe est orientée depuis quelques années maintenant autour du projet Change for Good. Pouvez-vous revenir sur sa genèse ?

Oui, bien sûr. Change for good est une histoire très liée avec l’ADN de notre entreprise. Nous sommes, comme vous le savez, une entreprise familiale. Presque centenaire. Animée par une vraie volonté de transmettre et de pérenniser. Nous travaillons dans un temps long. Avec la volonté d’être fidèle au rêve du fondateur « Faire le bien et bien le faire », et la nécessité d’être très attentif aux mouvements de notre écosystème qui a beaucoup évolué. Les attentes des clients changent, le regard des banques aussi. Les risques se multiplient. Les réglementations évoluent.

Nous avons fait du chemin depuis les réflexions menées dès 2013 par notre petit comité RSE. Nous avons été dès lors nourris, éclairés et accompagnés par des experts du développement durable qui nous ont aidés à bâtir notre trajectoire. Et permis de faire de cette démarche, initialement « bottom up », quelque chose de désormais transversal, profondément incarné par Luc et Xavier Biotteau, l’équipe de direction et irriguant l’ensemble des équipes. Aujourd’hui chaque enseigne s’inscrit avec sa singularité dans ce projet Change for Good dont la v1, à horizon 2030, sera prolongée d’une v2 à horizon 2035/2040. Le chemin est long, nous le savons. Nous maintenons le cap, expérimentons, testons. Et ne lâchons rien !

Le groupe a été remarqué par ses initiatives de location et de réparation. Que pouvez-vous nous en dire ? 

Elles sont tout d’abord le fruit de notre maîtrise particulière de l’industrie ET du commerce. C’est bien parce que nous disposons de ces deux cordes à notre arc que nous avons pu les mener à bien. C’est cela qui a rendu les choses possibles. Dès 2019, nous avons développé le principe de location de chaussures avec la marque Bocage. Nous avons été la première enseigne française, et la seule encore à ce jour, à proposer la location des chaussures. Le principe est simple : pour une somme mensuelle de 29 à 34 €, vous profitez d’une paire neuve pendant 2 mois minimum. Vous pouvez ensuite soit la garder en payant la moitié de son prix ou bien la remettre dans le circuit où elles seront ensuite revendues en seconde main après reconditionnement à la Manufacture, notre atelier de fabrication et réparation, labellisé au titre du « Bonus réparation » (voir encadré).

D’autres initiatives de location ont été initiées par d’autres marques du groupe . Gemo a par exemple créé avec la start up Lizze un service de location en ligne de vêtements de maternité et d’allaitement. La marque Eram a quant à elle lancé Claquette Market, la plateforme de seconde main dédiée exclusivement à la chaussure. Ces initiatives servent à la fois les préoccupations de pouvoir d’achat de nos clients et la limitation de notre impact environnemental.

D’autres avancées en matière de RSE ?

Nos avancées sont nombreuses ! Nous venons de parler des initiatives de location. Nous pouvons citer par exemple les audits sociaux menés auprès de nos fournisseurs. Nous en sommes garants partout dans le monde. Ou encore les 40% d’économies d’énergie réalisées depuis 2015 grâce à l’engagement et aux éco gestes de chacun. Nous avons effectué dès 2018 notre 1er bilan carbone. Cela nous a permis d’évaluer où faire porter le poids du corps, à quel endroit porter nos efforts pour maximiser les impacts. 

Nous avons dans tous ces domaines des objectifs ambitieux : diminuer d’ici 30% l’empreinte carbone du groupe, rendre recyclable les produits que nous mettons sur le marché ( 30% de produits éco conçus dans chacune des marques d’ici 2025). Tous ces chantiers sont des marqueurs forts pour nos collaborateurs présents, tout comme pour les compétences qui choisissent de nous rejoindre. Comme cet ingénieur, par exemple, qui a mis au point une calculatrice permettant de mesurer l’empreinte carbone d’un produit, et tamponnée AFNOR.

Au global, et au regard de toutes ces actions réalisées et à venir, qu’aimeriez-vous que l’on dise du groupe dans 10 ans ? 

Que nous soyons reconnus pour ces performances responsables pour lesquelles les équipes se battent au quotidien. Que nous soyons perçus comme légitimes pour faire et mettre en avant nos actions. Les Mauges sont un territoire de « taiseux ». Nous privilégions le « faire » au « dire »  et poursuivons notre chemin avec sincérité et humilité. 

Vous êtes un partenaire clé de ces FGD nantais. En quoi est-ce important pour vous ?

Nous suivons avec attention les FGD depuis leur début à Roubaix. L’ouverture de chacun  d’entre nous sur l’écosystème est essentielle. Pour se nourrir. S’inspirer. Nous avions ainsi invité des directeurs de magasins lors de la première édition. Cela a été aussi l’occasion de créer des liens fertiles avec le FGH et avec la SAMOA qui ont permis de donner naissance à cette première édition nantaise. C’est une occasion unique de partager des expériences, de se mesurer…et de faire savoir.

Par un drôle de concours de circonstances, les FGD se tiennent une semaine à peine après l’ouverture du magasin Primark, ici à Nantes, qui a attiré des milliers de clients. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Nous vivons un monde de contradictions. Notre volonté est de ne pas opposer écologie et économie. Fin du mois et fin du monde. Nous nous battons pour une mode accessible et responsable. Il y a des choix à faire, nous les avons faits.


La Manufacture

Labellisée entreprise du patrimoine vivant en 2023 et « Bonus Réparation », cet atelier situé à Montjean sur Loire et qui emploie 140 salariés perpétue le savoir-faire tout en se réinventant depuis 1927. 

La Manufacture a diversifié ses activités : production pour 2 marques du groupe, mais aussi des marques « autres », développement des baskets durables Sessile, et activité de reconditionnement. 25 000 paires sont ainsi retravaillées chaque année soit environ 10% de l’activité totale.

Présentes au récent salon du Made in France, les baskets Sessile, réparables et recyclables, labellisées Origine France Garantie, ont bénéficié d’un fort engouement.

Sylvie SOUBIRAN

Sylvie SOUBIRAN

J’ai co-fondé en 2021 avec Isabelle PELLETIER, histoire d’Avenir, pour aider les dirigeants et leurs équipes à « accoucher » d’une vision (raison d’être, valeurs, ambition) singulière, inspirante et construire une entreprise toujours plus saine, fertile et responsable.