« Julien Faure, le rétrofit d’instinct »

« Julien Faure, le rétrofit d’instinct »

Alors que le rétrofit revient à la mode dans un contexte de transition industrielle, voilà l’histoire singulière d’une entreprise qui l’a pratiqué dès les années 1980, à l’instinct et par amour du métier.

Le rétrofit est un processus qui vise à donner une seconde vie à une machine industrielle, par remplacement partiel de certaines pièces ou en adaptant sa mécanique par l’intégration de nouveaux process. 

Julien Faure, c’est une histoire de choix industriels difficiles mais judicieux, de renonciations inévitables mais salutaires. Une vision du métier qui le pousse à pratiquer d’instinct le rétrofit, à en faire une marque de fabrique pour asseoir un savoir-faire que l’industrie du luxe apprécie aujourd’hui.

Chez Julien Faure, on fabrique du ruban de père en fils depuis cinq générations. La société stéphanoise a eu ses heures de gloire et a prospéré pendant toute la seconde moitié du XXe siècle. Mise à mal par la délocalisation de la confection puis du sourcing textile, par la baisse du dollar et de la lire, la société abandonne son activité de tissage de soierie en 2014 pour se recentrer sur son métier d’origine : le ruban. 

Alors que les machines vieillissent et que des métiers plus automatisés, permettant d’énormes gains de productivité envahissent le marché, Julien Faure fait le choix, totalement à contre-courant à l’époque, d’adapter son outil de production avec pragmatisme et vision. Pragmatisme car certains types de rubans, qui ne nécessitent pas de travail minutieux peuvent être fabriqués sur des machines modernes. Vision car l’entreprise va faire muter son outil industriel pour conserver des savoir-faire menacés de disparition. D’instinct, il choisit de nourrir son marché de niche, sans céder aux sirènes d’une automatisation, certes nécessaire pour certains usages mais risquant aussi d’appauvrir le produit. 

Parlez-nous de ce virage de 2014 et des choix que vous avez faits ? Comment répond-on dans le temps au défi de l’adaptation de son outil de production ?

Dans les années 90, le métier a évolué très vite et sur tous les fronts avec  l’arrivée de nouvelles machines à aiguilles, plus automatisées et de nouveaux logiciels. Le virage stratégique de 2014 nous a permis de concentrer notre effort capitalistique sur le ruban. Mais les nouveaux métiers à tisser ne permettaient pas de fabriquer toute l‘étendue de la gamme que nous avions. C’est à ce moment que j’ai décidé d’intégrer l’activité de nos passementiers qui partaient petit à petit à la retraite, emportant avec eux un savoir-faire précieux. Nous avons financé sur nos fonds propres l’adaptation de notre outil de production en hybridant techniques anciennes et nouveaux procédés. Les vieux métiers sont plus lents, plus compliqués à réparer mais ce sont des machines remarquables. Nous en avons conservé l’essentiel mais en avons modernisé certains aspects.  Par exemple, pour permettre le changement de dessin rapide, nous avons intégré aux métiers des mécaniques jacquard modernes. Aujourd’hui nous sommes les seuls à pouvoir fabriquer des produits très spécifiques utilisant pleinement la technique jacquard à plusieurs trames et plusieurs chaînes.

Quel est le profil de votre outil industriel aujourd’hui ? 

Nous possédons un parc de 80 machines: 

  • 30 sont des métiers navette modernisés sur lesquels nous réalisons le gros de notre activité. 
  • 20 sont des métiers navette des années 50 à 60. 
  • 20 sont des métiers aiguille automatisés pour les produits très simples.
  • 10 métiers très anciens qui servent à la production et à l’échantillonnage. Les plus vieux datent de 1850. 

Nos clients apprécient ce mélange entre l’origine – la machine ancienne et sa technique ancestrale- et les machines modernisées qui font la même chose mais plus rapidement.

Mais dans un monde obsédé par le gain de productivité, comment parvient-on à rester compétitif avec de tels choix industriels ? 

Dans un premier temps il faut être capable d’utiliser les machines et donc former les utilisateurs car ils partent en retraite petit à petit. Il y a donc un travail de transmission que nous cultivons au jour le jour. Nous comptons aussi sur le regain d’intérêt pour le textile dans les écoles d’ingénieurs spécialisées pour nous accompagner dans cette mission. 

Par ailleurs, les pièces disparaissent et ne sont plus fabriquées. Nous les fabriquons nous-même en utilisant de l’impression 3D par exemple. 

Avez-vous des exemples de produits très spécifiques réalisés grâce à ces métiers navette ?

C’est le cœur de notre métier ! Certains produits, très purs dans leur finition, sont prisés par le luxe. D’autres très techniques sont réservés à des usages bien spécifiques. 

Julien Faure nous montre un ruban translucide mordoré qui ressemble à de l’organza de soie avec au centre un riche motif floral. 

Sur ce ruban, le fil du motif central est tissé en même temps que la trame du ruban. Sur un métier moderne, le fil de motif aurait traversé toute la largeur du ruban, laissant un fil flottant qui viendrait nuire à la transparence sauf à devoir être découpé dans un second temps.

Nous fabriquons également sur métiers navettes des bases de taffetas polyester permettant l’intégration d’une puce RFID, ce qui n’est pas possible avec une étiquette imprimée qui ne tient pas en blanchisserie. Autres exemples : les sangles de parachute pour certains usages militaires ne peuvent être homologuées que si elles sont tissées sur métiers navettes. Dans le domaine médical, notre technique permet de réaliser un tissage tubulaire qui se sépare en deux. Nous avons longtemps eu comme client de ce procédé une entreprise américaine de santé fabricant des prothèses vasculaires.

Pour en savoir plus sur ce thème du maintien des savoir-faire industriels, venez écouter Julien Faure lors de la table ronde « Rétrofit allier low tech et high tech » le 20 septembre lors des Fashion Tech Days. 

Victoria Bonnamour

Victoria Bonnamour

Créatrice et gérante de la marque Bonâme, un vestiaire féminin et culturel entièrement fabriqué en France en upcycling.

Elle est également enseignante en Économie du luxe et Histoire de la mode et autrice d’un blog sur le costume, l’art et la mode «L’étoffe des héroïnes ».

« La conviction de la circularité ou comment Weturn invente le process en boucle fermée »

« La conviction de la circularité ou comment Weturn invente le process en boucle fermée »

Plus qu’une prise de conscience, c’était un souhait fondateur : sauver de la destruction des vêtements et des stocks textiles voués au rebut, les faire renaître sous une autre forme.

Voilà ce qui semble avoir poussé Sophie Pignères, la fondatrice de Weturn à créer ce véritable transformateur de matière, solution de recyclage nouvelle génération.
Issue de l’économie collaborative, Sophie a eu l’idée d’apporter aux marques et acteurs de l’industrie une réponse précise à la loi AGEC afin d’accompagner la filière dans sa transition écologique. 

Weturn a aujourd’hui 3 ans. Dans cette jeune entreprise qui compte désormais 11 personnes, on a la circularité chevillée au corps et une obsession : utiliser l’immensité des gisements de matière disponible et évangéliser sur la qualité des étoffes recyclées. 

Cette conviction a donné naissance à un process singulier qui repose sur une grande efficacité logistique. La méthode Weturn, c’est la maîtrise de la chaîne de valeur : de la récupération des stocks d’invendus jusqu’à la traçabilité et la mesure d’impact de la nouvelle matière créée. Et pour fêter son 3e anniversaire, la société vient d’annoncer le lancement de sa toute nouvelle plateforme Saas VALO, un outil de gestion de la phase de tri, afin d’intégrer facilement cette étape à la supply chain des acteurs de la filière.

Helène Geneau est designer textile et responsable innovation matière chez Weturn. Elle a décidé de mettre son expertise de 15 ans d’éco-conception au service de cette vision. Elle nous raconte comment cette idée a pris forme jusqu’à devenir un catalogue unique de matières naturelles et performantes à partir des gisements existants. 

Weturn, c’est donc une recréation de matière à partir de stock d’invendus ? Comment ça marche exactement ?

C’est un process séquencé, dans lequel le tri prend une place fondamentale.  Les gisements de matière sont multiples : fins de rouleaux, stocks dormants, chutes, stock de vêtements invendus…nous avons plusieurs sources possibles. Tout commence par un travail minutieux d’analyse de chaque lot. Nous les regroupons par spécificité (type de tissage, couleur, composition…) et sélectionnons les plus intéressants pour notre approche : qualité, séparabilité des fibres…A l’issue de ce processus de sélection, les stocks vont être dispatchés vers leurs différentes utilisations possibles, dont celle qui est au cœur de notre métier : le recyclage de la fibre. 

Les lots de vêtements ou rouleaux sélectionnés sont ensuite détissés, effilochés de manière à récupérer la fibre intéressante.  Nous allons ensuite refiler cette fibre courte en la mélangeant avec des fibres vierges de manière à créer un nouveau fil, qui sera utilisé pour créer une nouvelle étoffe. Ainsi, à partir d’un stock mort ou dormant, nous créons une nouvelle matière première maille ou chaîne et trame.

Vous êtes donc des fournisseurs de tissus recyclés ?

Oui, en quelque sorte, mais pas que! En effet, ces nouveaux textiles labellisés MT® alimentent en continu notre tissuthèque de matières recyclées innovantes. La pratique et l’expérience nous ont permis de développer des recettes de tissage et une répétabilité des lots proposés. Ainsi on peut trouver chez nous des références récurrentes : molleton, jersey, denim, gabardine ou toile cretonne sont nos principales armures développées dans différents grammages.

Mais notre axe de travail majeur est le développement de nouvelle matière en boucle fermée. 

Qu’entendez-vous par création en boucle fermée ? 

La création en boucle fermée, c’est un développement ad-hoc de matière à partir du stock du client. On est ici au cœur même du principe de circularité : permettre à nos clients de valoriser les déchets ou rebuts qu’ils génèrent. Retarder la fin de vie de leurs produits. Et ainsi les aider à mettre en place un cercle vertueux de gestion de leur stock textile. C’est une démarche qui intègre pleinement le principe d’écoconception.

Il faut savoir que le textile est une des matières les plus complexes à recycler, bien plus que le métal, le verre ou le papier. C’est ce qui donne aussi tout son sens à cette démarche d’écoconception : intégrer la recyclabilité et la minimisation de l’impact dès la conception du produit.  Avancer main dans la main, en partant des ressources du client pour créer avec lui le textile idéal. En tant que designer textile, ma mission est de suivre tout le développement pour élaborer la recette adéquate et aboutir à une matière recyclée exclusive correspondant à ses attentes. C’est ce défi de la complexité que j’aime relever au quotidien avec nos clients.

Quels sont vos clients type ?

Nous travaillons beaucoup avec des maisons de luxe. Mais aussi des marques premium de taille moyenne, principalement européennes (France, Portugal, Espagne…)

La loi AGEC a donné un coup d’accélérateur à la prise de conscience. Ces maisons se sont  structurées avec des départements RSE, dont nous avons observé qu’ils devenaient de plus en plus moteurs dans les stratégies industrielles. Par ailleurs, les acteurs du luxe sont particulièrement proactifs en matière d’écoconception. Intégrer ce type de clients chez Weturn nous permet de développer notre activité, d’étoffer nos équipes, de relever à chaque fois des défis matière nouveaux. 

Comment gérez-vous le sujet de la performance technique des textiles ? Notamment l’intégration de fibres synthétiques dans les matières ?

Pour une question de circularité que nous souhaitons défendre et promouvoir le plus possible, nous privilégions les matières naturelles, notamment les gisements coton. Bien sûr, il peut nous arriver d’utiliser des fibres plus techniques, éventuellement cellulosique, ou comportant du Tencel, mélangées à des fibres naturelles.  Si cela correspond à une demande très spécifique de notre client, avec des propriétés particulières souhaitées pour le tissu. 

Mais chez Weturn, il y a cette dévotion pour la matière première naturelle. Compte-tenu de l’impact long terme des fibres synthétiques, nous préférons encourager un maximum l’utilisation des fibres naturelles, travailler main dans la main en écoconception pour créer des textiles performants, qualitatifs à partir de la fibre naturelle. 

Quels sont les principaux défis aujourd’hui pour une initiative comme la vôtre ? 

Le challenge majeur aujourd’hui c’est de faire coïncider recyclage et qualité dans l’inconscient collectif. Les produits recyclés souffrent encore parfois d’un a priori négatif : une qualité dégradée par rapport à l’original. Les fibres recyclées sont des fibres plus courtes…Le geste de détruire et refabriquer fait peur. 

Or le recylage textile a atteint un tel niveau de performance aujourd’hui que les matières que nous proposons sont de grande qualité, tant au toucher, qu’à la résistance et la durabilité. 

Nous avons donc un important travail d’évangélisation, de sensibilisation, de rencontres pour donner à voir ce niveau de qualité. 

Nos matières sont toutes labellisées et leur parfaite traçabilité nous aide considérablement dans cette mission car chacun de nos tissus est entièrement traçable depuis le point 0 de son process de fabrication. 

Retrouvez Hélène Geneau de Weturn aux Fashion Tech Days dans la Table ronde « Performance Circulaire » le 19 septembre prochain à l’Embarcadère.

 

Victoria Bonnamour

Victoria Bonnamour

Créatrice et gérante de la marque Bonâme, un vestiaire féminin et culturel entièrement fabriqué en France en upcycling.

Elle est également enseignante en Économie du luxe et Histoire de la mode et autrice d’un blog sur le costume, l’art et la mode «L’étoffe des héroïnes ».

« L’éco innovation, un axe clé de développement chez Alliance Machines Textiles »

« L’éco innovation, un axe clé de développement chez Alliance Machines Textiles »

Alliance Machines Textiles est LE constructeur français de machines de teinture pièce. Un procédé qui consiste à teindre des longueurs de matières textiles finies qu’elles soient tissées, tricotées ou non tissées. 

L’entreprise a été reprise début 2019 par David Godinaud.

Ingénieur chimiste de formation, il démarre sa carrière dans des grands groupes industriels notamment chez Saint Gobain. Il y évolue pendant une vingtaine d’années notamment sur des fonctions de direction de projets et direction industrielle. 

Reprendre une entreprise est né de sa volonté de s’ancrer dans la région lyonnaise. Il se met alors en quête d’une entreprise industrielle, fort de sa connaissance de cet univers et de son appétence pour la gestion de projets. Ce sera Alliance Machines Textiles, le dernier constructeur de machines de teinture pièce sur le territoire. 

Quel est le savoir-faire de Alliance Machines Textiles (AMT) ? 

AMT conçoit, développe, commercialise et assure le SAV de ses machines. 

L’offre proposée au catalogue permet de couvrir un large spectre de spécificités, sur des matériaux chaine et trame ou tricotés, pour tout type d’applications dans l’univers du textile technique, textile d’ameublement ou dans la mode. Et ce sur toutes les étapes de la production, de la phase labo, au prototypage jusqu’à la production en série.

L’entreprise opère en France et à l’international notamment en Europe et dans le bassin méditerranéen. 

La place de l’éco innovation 

La teinture est une étape critique en terme d’impact environnemental. Et le rapport de bain est un paramètre clé à maitriser si l’on veut réduire son impact. 

De quoi s’agit-il exactement ? C’est le rapport du poids du tissu au volume d’eau utilisé pendant la teinture. Un rapport de 1 / 10 communément affiché sur le marché signifie que pour 100 kg de tissu vous avez besoin de 1 000 l d’eau (dont des produits auxiliaires et l’énergie pour la chauffer). 

Les fondateurs de l’entreprise il y a 30 ans avaient déjà conscience de cet enjeu et ont toujours cherché à l’améliorer. A ce jour AMT est en mesure de proposer des rapports de bains de 1 / 3 sur ses machines les plus performantes vs 1 / 5 ou 6 pour les mieux disants sur le marché. 

Cette performance affichée peut être monitorée via un outil développé et proposé dans le cloud. Car « il faut pouvoir mesurer ce que l’on fait » pour « s’approcher de la performance théorique de la machine à l’usage ». 

En effet la manière d’utiliser la machine impacte ce rapport de bain, tout comme la manière dont nous utilisons notre machine à laver impacte l’environnement. 

Un meilleur rapport de bain, c’est moins d’eau et d’intrants synthétiques mis en œuvre, moins d’eau à retraiter. Et des économies financières à la clé. La machine AMT la plus performante a d’ailleurs un retour sur investissement de moins d’un an. 

AMT fait du rapport de bain un chantier d’amélioration continue. Et annoncera une nouvelle innovation pour aller plus loin sur les économies d’énergie au printemps prochain.  

L’éco innovation passe aussi par des innovations de rupture

En 2023, AMT a lancé la 1ère machine dédiée à la teinture naturelle, la Natura DS, pour s’adresser aux plus petites structures qui travaillent manuellement des petites séries et ont besoin de s’automatiser.  

Un développement engagé avec Sandrine Rozier, créatrice textile, partenaire de ce développement pour coller au plus près des besoins de cette nouvelle typologie de clients.

Tout le savoir-faire technologique et les garanties de sécurité des machines à teintures synthétiques ont été transférés sur des machines pour faire de la teinture naturelle, capables d’intégrer des espaces ne permettant pas des productions industrielles. 

Présentée au dernier salon ITMA à Milan, c’est une machine entièrement automatisée « plus besoin de barques et de casseroles », connectée, qui ne prend pas plus de place au sol qu’une machine à laver.

Prolonger la vie des machines, un autre engagement d’AMT 

C’est le principe du service Jouvence, un service de retrofit qu’AMT opère sur les machines de ses clients, selon un périmètre défini au cas par cas. 

Au bout de 25 à 30 ans, une machine de teinture peut être piquée –  principal signe d’obsolescence de ce type de machine – ce qui crée des défauts sur le tissu. AMT a développé une technique de chemisage. « On va plaquer de l’inox neuf sur toutes les surfaces en contact avec les tissus ce qui va permettre de prolonger la vie de l’outil ». Tout en ayant la possibilité de doter la machine des dernières innovations. Le tout pour 30 à 50% du prix d’une machine neuve. 

Le mot de la fin 

David Godinaud est un ardent défenseur du travail collaboratif. « Les meilleures idées sont celles que l’on élabore ensemble. En tant que constructeur on ne peut pas bien travailler tout seul ». « Il faut oser partager, travaillons ensemble, c’est comme cela que la filière se développera ». 

C’est dans cet esprit qu’il interviendra lors des prochains Fashion Tech Days, le 19 et 20 septembre à Lyon, lors de tables rondes dédiées à la recherche de performance et d’impact. 

Caroline Muller

Caroline Muller

Fondatrice Dirigeante Imaye et marketeuse engagée dans le mieux produire pour mieux consommer

 

 

« Mobius Pack, start-up lilloise, s’attaque à la réduction d’impact des emballages BtoB »

« Mobius Pack, start-up lilloise, s’attaque à la réduction d’impact des emballages BtoB »

MOBIUS PACK est une start-up Lilloise qui s’attaque à la réduction d’impact des emballages BtoB, c’est-à-dire des emballages utilisés par les marques entre leurs entrepôts et leurs magasins.

L’enjeu est fort de diminuer fortement l’utilisation d’emballages à usage unique : polybags (les sachets transparents qui enveloppent les vêtements et partent souvent à la poubelle arrivés en magasin), enveloppes plastiques à usage unique qui ne sont pas ou peu recyclés.

Fashion Green Hub a mené un groupe de travail sur ce sujet et publié deux Livres Blancs disponibles gratuitement sur le site Fashion Green Hub

MOBIUS PACK souhaite convertir les enseignes de Mode à l’emballage réutilisable de nombreuses fois.

Elle propose différents formats d’emballages réutilisables, fabriqués en France 

Ces emballages sont en polypropylène, une matière fossile mais la plus facilement recyclable en boucle fermée : les emballages usés peuvent être recyclés en nouveaux emballages (avec 80% de matière recyclée).

Il existe des pochettes sécurisées inviolables pour les transports de produits à forte valeur.

Le process est d’utiliser chaque emballage un maximum de fois, idéalement  100.

Les marques renvoient les emballages des magasins à leur entrepôt via des circuits logistiques existants.

Les emballages abîmés sont réparés et remis en circulation.

Les marques louent les emballages, ce qui les entraîne à une utilisation maximale.

Chaque emballage est tracké grâce à un QR CODE lorsqu’il part de l’entrepôt et arrive en magasin , ou retourne à l’entrepôt.

L’ensemble des données concernant cette supply chain emballages  appartient à chaque marque et est suivie grâce à une application dédiée.

« Comparée à cent envois avec emballages en carton, notre solution génère vingt fois moins d’émissions en CO2« 

Julien Lemarchand, CEO de Mobius Pack

MOBIUS PACK effectue en ce moment des POC (Proof Of Concept = validation de principe) avec plusieurs marques. 

La mise en route prend environ trois mois.

 Rendez-vous les 19 & 20 septembre 2023 à Lyon pour rencontrer l’équipe de Mobius Pack lors des Fashion Tech Days !

Annick Jehanne

Annick Jehanne

Présidente Fashiongreenhub France et Vice Présidente ANTL

L’ECOBALYSE un outil pour accélérer la mise en place de l’affichage environnemental

L’ECOBALYSE un outil pour accélérer la mise en place de l’affichage environnemental

Ecobalyse est un outil développé par l’Etat afin de calculer l’impact écologique des produits textiles et alimentaires distribués en France. 

Alban Fournier, chef de projet Textile, nous explique comment la loi sur l’affichage environnemental a donné naissance à Ecobalyse, puis de l’aspect pédagogique et collaboratif de celui-ci. 

L’origine d’Ecobalyse

Le 10 février 2020 est promulguée la loi AGEC visant la lutte contre le gaspillage et favorisant l’économie circulaire. Parmi ses dispositifs, elle propose la mise en place d’un affichage environnemental dans le textile et l’alimentaire à l’image de l’étiquette énergie pour l’électroménager qui permettra aux consommateurs de comprendre l’impact environnemental de leurs achats. L’affichage environnemental pour le textile n’est pour le moment pas obligatoire mais au stade de l’expérimentation.

C’est dans ce contexte d’expérimentation que l’État a donc décidé de monter une équipe au sein du Ministère de la Transition Ecologique (MTE) pour travailler sur ce sujet complexe et vaste. L’équipe Ecobalyse est composée de 7 personnes aux compétences variées (développement informatique, traitement de données, analyse de cycle de vie, gestion de projet).  


L’objectif du projet est double : 

  • D’un côté, préparer la mise en place de l’affichage environnemental en expérimentant différentes méthodes de calcul et les formalités d’affichage.
  • De l’autre, accompagner les différents acteurs impliqués dans le futur dispositif français d’affichage environnemental en proposant un outil pédagogique et gratuit.

Alban Fournier, en charge de la partie Textile, nous explique ce qu’est Ecobalyse et son intérêt pour les professionnels du Textile.

 

Un outil pédagogique

Ecobalyse est donc un outil de calcul avec une interface facile à prendre en main qui permet “d’estimer rapidement les impacts environnementaux d’un produit à partir de quelques critères simples : poids, composition, lieu d’assemblage, etc.” Il est pour le moment disponible en version Beta pour les deux secteurs prioritaires de l’affichage : l’Alimentaire et le Textile. Une V1 serait proposée d’ici la fin de l’année 2023 car plusieurs chantiers méthodologiques sont toujours en cours (choix d’unité fonctionnelle, plus grande disponibilité d’ingrédients/ matières, intégration de correctifs, etc…).

Une méthode à finaliser d’ici la fin de l’année 

Pour construire cet outil, il a d’abord fallu repartir en 2021 des référentiels et bases de données publics existants : 

  • pour l’Alimentaire : la base de données Agribalyse,
  • pour le Textile : la base Impacts.

Dès lors, de nombreux travaux sont menés avec les parties prenantes afin de : 

1 – enrichir les règles de calcul (Product Category Rules),

2 – rendre intelligible la méthode via une base documentaire en ligne complète et des interfaces utilisateur accessibles (formulaire de calcul + API ouverte),

3 – permettre aux marques de tester la méthode en construction en calculant l’impact environnemental de leurs produits

4 – identifier les limites des données utilisées.

L’objectif de la fin d’année 2023 est de finaliser une proposition de méthode et de réunir la filière Textile afin de présenter cette V1. Les acteurs de la filière pourront alors “jouer” avec le calculateur et nous faire part de leurs retours afin d’enrichir et finaliser le cadre méthodologique.

Il est à noter que ces travaux méthodologiques sont menés en lien avec ceux du référentiel européen PEF (Product Environmental Footprint). Des échanges réguliers ont lieu entre nous afin de s’aligner au maximum bien que le référentiel européen ne sera pas finalisé avant 2025. Cette différence de calendrier explique notamment le fait que nous n’hésitons pas à apporter des correctifs méthodologiques sur certaines parties du cycle de vie des vêtements (ex : l’impact des microplastiques n’est pas encore intégré dans le référentiel européen; nous travaillons sur un tel correctif). 

De manière plus générale, je n’hésite pas à définir Ecobalyse et la méthode en construction comme un Commun Numérique. L’ensemble de travaux sont menés en open source, autour d’une communauté composée de nombreux acteurs (cf. partie suivante) et ont une vocation pédagogique. Toute acteur souhaitant mieux appréhender et/ou enrichir le dispositif d’affichage environnemental peut se rendre sur l’outil Ecobalyse et accéder au code-source, à une documentation riche et à différents points de contacts pour partager ses remarques et contributions. Ce mode de fonctionnement est riche et apporte régulièrement de la satisfaction au sein de l’équipe. Une illustration récente est la contribution d’une startup française spécialisée dans la Traçabilité de la filière Textile. Cette dernière nous a proposé différentes configurations d’articles de lingerie afin de faciliter l’intégration de cette catégorie dans le calculateur. 

Un outil collaboratif

Ecobalyse a aussi une autre force : la collaboration. En effet, la méthodologie de recherche a été faite en partenariat avec la communauté scientifique, le monde universitaire, mais aussi et surtout le retour des industriels qui contribuent et testent la méthode en construction. 

Sur le Textile, j’échange par exemple toutes les semaines avec différents acteurs de la chaîne de valeur sur différents sujets (meilleure connaissance des réalités industrielles, collecte de données métier, partage sur des paramètres introduits sur la méthode, etc.). Ces échanges sont l’occasion de rendre la méthode plus robuste, d’enrichir l’interface utilisateur et de corriger certains bugs. 

Toujours en lien avec l’industrie et à l’initiative de l’ADEME, 11 méthodes (projets Xtex) ont été proposées par différents acteurs en 2021 et 2022 tels que Decathlon, le groupe Beaumanoir, la startup FairlyMade, le collectif en Mode Climat, etc. Ces contributions ont permis différents échanges très riches entre les équipes en charge de la construction du dispositif (Ministère de la Transition Écologique, ADEME, Ecobalyse) et les porteurs de méthode. Différents tests sur un panel de produits communs ont par ailleurs été mis en place (cf. illustration de résultats ci-dessous) permettant à tous de s’impliquer dans le projet et de proposer des enrichissements méthodologiques par rapport aux référentiels existants. Il fut intéressant de constater que, pour le secteur Textile, des avis divergents et tranchés sont apparus sur le référentiel sectoriel européen Textile (PEFCR Apparel & Footwear) en cours de construction. 

Un comité scientifique a par ailleurs été mis en place dans le cadre de la construction de la méthode Textile afin de prendre en compte le retour d’acteurs institutionnels de premier plan. Nous réunissons ce comité une fois par mois et convions des invités selon l’ordre du jour. Les membres permanents de ce comité sont l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), l’ADEME, le Ministère de la Transition Écologique (MTE), l’Ecole Nationale Supérieure Des Arts Et Industries Textiles (ENSAIT), l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH), le centre européen de recherche Joint Research Center (JRC), ainsi que le représentant du secrétariat technique du PEFCR Apparel & Footwear. 

Cette dimension collaborative va de pair avec une démarche “test and learn” qui permet d’itérer plus rapidement et de faciliter les retours utilisateur. Alban Fournier nous explique par ailleurs que le projet étant financé par le Ministère de la Transition Ecologique (MTE), il n’a pas d’objectif de rentabilité financière mais plutôt une vocation de servir à la collectivité. Cela permet notamment de prendre en compte les contributions d’acteurs aux avis parfois divergents. Il permet d’éviter de prendre parti pour tel ou tel méthode. Tous les retours sont écoutés afin de trouver les meilleures solutions. C’est ce que certains appellent une star-up d’état ! L’innovation et l’entre-aide sont donc au cœur du projet.

Si vous avez envie d’en apprendre encore plus sur cette méthodologie et vous aussi rentrer au cœur de ce projet, vous pourrez lors des Fashion Tech Days de Lyon sur le thème  » Performance Durable : Mode, sport et textile » le 19 et 20 septembre assister à l’intervention d’Alban Fournier lors de la table ronde autour de la thématique “Mesurer la mode pour connaître et travailler son impact”.

Louise CAISSARD

Louise CAISSARD

Styliste

Styliste éthique et éco-responsable, j’aide les marques de mode éthique et engagée à se lancer pour que demain la mode éthique ne soit plus une niche mais une norme !

Découvrez mon site internet !

« Damien Jacquet-Francillon, DMD France – De la gestion RSE informelle aux actions concrètes »

« Damien Jacquet-Francillon, DMD France – De la gestion RSE informelle aux actions concrètes »

DMD France est une entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de vêtements de travail (Vêtements professionnels et EPI). Cette entreprise familiale basée à Genay, aux portes de Lyon, a été créée il y a 40 ans et transmise de père en fils sur trois générations. Lucas et Damien Jacquet-Francillon, qui dirigent aujourd’hui l’entreprise, nous parlent concrètement de leur politique RSE (établie de longue date), de la manière concrète dont elle se décline aujourd’hui, et des prochains défis à relever. 

DMD France, un groupe spécialisé dans le vêtement de travail

La société DMD France propose à ses clients deux grandes catégories de vêtements de travail. D’une part, des vêtements dits « Catalogues » disponibles sur stock et appartenant à différents univers (workwear, haute visibilité, multirisques, intempéries), et d’autre part des vêtements « image de marque » ou Corporate, fabriqués sur-mesure quant à l’activité, les besoins, et l’image de marque du client final.

L’entreprise s’est développée notamment par croissance externe et détient deux autres sociétés en France :

  • EDC Protection (54), où une équipe de 18 personnes, dont 12 en production, confectionne des EPI (équipements de protection individuels) de catégorie 3, destinés à protéger les professionnels exerçant dans des conditions de chaleur extrême. Les vêtements aluminisés d’EDC Protection sont utilisés dans la sidérurgie, les fonderies, verreries, cimenteries, services incendie… même par les vulcanologues. Leur rôle est de protéger l’homme au travail contre les flammes, la chaleur intense et les projections de matériaux en fusion jusqu’à 2 000°C. La production est réalisée en France au sein de notre atelier de Noviant-aux-Prés. 
  • ISA France (74), spécialisée dans le corporate et qui emploie une quinzaine de personnes. ISA France habille les collaborateurs de grandes enseignes avec des vêtements personnalisés aux couleurs de leurs  clients. Cette filiale offre la possibilité de créer et de faire fabriquer une collection de vêtements spécialement étudiée pour votre profession, qui sera le reflet de votre entreprise. La société possède notamment un important atelier de broderie français pour personnaliser les vêtements de ses clients.

DMD France possède en propre 3 ateliers de confection en Tunisie depuis plus de 35 ans qui emploient 600 personnes dans la région de Sousse et Monastir et dont l’activité se divise en deux branches : la confection et la personnalisation. (Broderie, sérigraphie…). 

La volonté de développer la RSE dès les prémisses de l’entreprise

DMD France a toujours eu une volonté importante de développer la RSE sur 3 volets :

[

L’humain, le social, l’ADN de cette entreprise familiale

[

L’environnement 

[

La sécurité des travailleurs car il s’agit du cœur de métier de l’entreprise 

“Lorsque nous avons intégré la société il y a 6 ans, il existait déjà des bases avec une charte RSE et plusieurs actions mises en œuvre (à noter qu’à l’époque, aucun cadre n’était dédié à la RSE). Nous avons alors pu poursuivre ce travail en collaboration avec nos équipes afin d’aboutir sur des évolutions capitales : Développement d’une politique RSE structurée, développement de produits éco-conçus, modification des packaging, gestion de la fin de vie des vêtements ou encore par exemple la création d’un poste de Responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) au sein du Groupe DMD France, qui est venu concrétiser notre volonté en la matière.”

Les actions concrètes de DMD France sur la partie environnementale

DMD France a mis en place des actions afin de réduire l’impact de son activité sur l’environnement. 

  • Tous les déchets sont recyclés sur l’ensemble de leurs  sites, qu’il s’agisse de cartons, papier, piles, plastiques, stylos, ou de chutes de tissu up-cyclées ou recyclées
  • Passage en LED de l’intégralité de leurs  sites
  • Installation de 1 250 m² de panneaux solaires
  • Parrainage de ruches
  • Réduction des consommations de leurs collaborateurs via un challenge RSE motivant.  

Au niveau des produits, deux mesures phares sont à souligner : 

DMD France propose à ses clients une solution de recyclage des vêtements de travail en fin de vie. Cette solution consiste à mettre à disposition d’un client une box de recyclage, dans laquelle il peut placer ses vêtements de travail en fin de vie. Ils sont ensuite collectés et transmis à des partenaires pour être recyclés en isolants. Le prestataire de recyclage délivre alors des attestations de recyclage qui sont ensuite valorisées dans la politique RSE des clients ayant adopté ce mode de fonctionnement. Un mode de recyclage sous forme d’économie circulaire est à l’étude et aboutira prochainement.

DMD France a développé de nouveaux produits éco-conçus qui se démarquent par leur label interne « Green Collection » :

  • Multirisques : Gammes ATEX PLUS, ATEX PLUS COLOR et ATEX PLUS HV confectionnées dans un tissu ripstop composé à 50% de Lyocell et à 20% de Polyester Recyclé : des fibres plus responsables et moins consommatrices en eau (lyocell vs. coton)
  • Haute visibilité : Gamme VISIOBAT composé à 40% de Polyester Recyclé.
  • Workwear : Gamme IDEAL PLUS et IDEAL PLUS COLOR avec une version « Green » confectionnée dans un tissu 60% Coton Bio 40% Polyester Recyclé
photo DMD France

L’impact de la loi AGEC sur l’activité de DMD France

La loi AGEC, qui invite les acteurs publics à intégrer une part de produits plus respectueux de l’environnement dans leur appel d’offres, a eu un impact important sur notre activité nous permettant aussi d’accroître nos actions RSE et notamment sur l’évolution de nos produits” explique Damien Jacquet-Francillon.

Un important travail a été réalisé pour optimiser le packaging : maintenant les palettes destinées au stock sont sanglées au lieu d’être filmées avec du plastique. Le film plastique utilisé pour les palettes à destination des  clients est d’un grammage inférieur au précédent afin d’être moins consommateur de matière et donc moins polluant. Le scotch en plastique a laissé place à un ruban adhésif plus responsable en papier kraft 100% recyclable et biodégradable.

“Les cartons envoyés par nos ateliers de confection sont récupérés et servent à expédier nos commandes clients. »

DMD France peut proposer à ses clients une livraison des produits sans sachet plastique pour des produits directement confectionnés pour leur commande (hors vêtements issus du stock).

La mesure phare résultant de la loi AGEC est la mise en place de solutions de recyclage des produits en fin de vie. Ce projet a demandé un an de travail, et la mobilisation de plusieurs personnes notamment pour trouver des prestataires sur cette activité émergente et organiser la logistique afférente à ce nouveau mode de fonctionnement pour proposer une solution opérationnelle dès à présent.

Les défis actuels de DMD France sur le recyclage des vêtements en fin de vie

L’entreprise souhaite aller plus loin dans le recyclage des vêtements en fin de vie.

D’une part, l’entreprise cherche des partenaires pour réussir à transformer le vêtement de travail en fin de vie en de nouvelles fibres et donc un nouveau tissu. 

D’autre part, elle recherche des solutions opérationnelles de recyclage pour les vêtements de travail Haute Visibilité comportant des bandes rétro-réfléchissantes ou des vêtements intempéries qui ne sont actuellement pas ou difficilement recyclables.

Rendez-vous aux Fashion Tech Days de Lyon pour échanger avec l’équipe de DMD France et en apprendre plus sur leur démarche lors de la Table ronde “Industriels engagés le 20 septembre à 10H.

Glynnis Makoundou

Glynnis Makoundou

Avocate passionnée de mode et de digital, Glynnis Makoundou a créé en janvier 2022 un cabinet dédié aux entrepreneurs et professionnels du secteur de la mode et du textile, qu’elle conseille et représente en droit des affaires, du numérique, de la propriété intellectuelle et de l’environnement.

Retrouvez ces services sur son site makoundou-avocat.fr.