Chanvre, le choc des cultures

Chanvre, le choc des cultures

Pascale Caussat est journaliste indépendante spécialisée économie, tendances, art de vivre. Elle collabore avec de nombreux journaux et magazines comme Le Journal du Dimanche ou Stratégies. Elle écrit aussi sur le chanvre en compagnie de sa consoeur Marie Nicot et de la photographe Snezana Gerbault pour notamment Alternatives Économiques, 4 saisons et Culture Agri. Cette belle équipe a en effet réalisé de nombreux reportages sur le sujet dans toute la France. Pour cela, elles sont allées à la rencontre des producteurs et transformateurs de la filière textile mais aussi du bâtiment et de l’alimentation.

Experte et passionnée par cette plante aux multiples vertus, Pascale Caussat a animé une table ronde sur le chanvre. Retrouvez le replay ici!

Nous vous proposons grâce à l’article d’en apprendre un peu plus sur le retour en grâce du chanvre et ses défis. Le chanvre est une plante économe en eau et ne nécessitant pas d’utilisation de pesticides. Cet article est extrait de l’article Alternatives Économiques Chanvre du 05/03/2021 en lien avec Pascale Caussat et Marie Nicot.

Chanvre, le choc des cultures

Capable de croître sans pesticide, Cannabis sativa L. répond aux défis écologiques. Le bâtiment et le textile recherchent ses fibres, quand ses propriétés relaxantes et psychotropes attisent la convoitise. Chanvre industriel ou récréatif, deux mondes s’affrontent.

champ de chanvre

©Snezana Gerbault. À bas bruit, le chanvre, cultivé jadis pour ses fibres puis tombé en désuétude, reprend du service.

En quelques minutes, des flammes jaillissent des fenêtres et un immense feu embrase la façade de deux étages. Mais rien à craindre: il s’agit d’un test d’une heure mené en octobre au centre d’essai du feu à Epernon (Eure-et-Loir) sur une façade en béton de chanvre de plus de 6 mètres de haut et presque autant de large. Les résultats officialisés le 19 janvier sont encourageants: 125 capteurs prouvent que le béton de chanvre, mélange de fibres issues de cette plante de chaux et de ciment, est conforme aux règles de sécurité exigées par l’État.

La température a grimpé jusqu’à 1100 degrés, mais l’alliage a joué son rôle de protection thermique. Désormais, les architectes pourront l’utiliser pour construire des immeubles, collèges ou lycées, hauts de sept étages maximum et susceptibles d’accueillir jusqu’à 700 personnes. Une consécration pour ce biomatériau qui avait déjà gagné une première victoire dans le cadre des futurs Jeux de 2024. La Solideo, société de livraison des ouvrages olympiques, compte l’utiliser à la place de la laine de verre, afin d’isoler les bâtiments des athlètes en Seine-Saint-Denis.

 

Retour en grâce

À bas bruit, cette plante cultivée jadis pour ses fibres puis tombée en désuétude reprend du service. Jusqu’au début du XXe siècle, elle rythmait le quotidien des paysans partout dans le monde, qui cultivaient le chanvre pour s’habiller, s’éclairer, fabriquer de la toile et de la corde. Son histoire accompagne les conquêtes humaines: sans elle, pas de traversée du Mayflower en 1620, dont les cordages et les voiles étaient constitués de chanvre. Pas de Bible de Gutenberg (1455), pas de Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776), imprimées sur du solide papier de chanvre.

L’industrialisation du coton a eu raison de cette matière textile rustique. Mais il a fallu aussi l’action concertée des industriels américains du nylon, du pétrole et de la pâte à papier à base de bois pour éradiquer cette culture contraire à leurs intérêts. Leur lobbying a permis le vote du Marijuana Tax Act en 1937 qui a criminalisé le chanvre, assimilé à une drogue, interdisant tous ses autres usages. En France, la surface cultivée est passée de 170000 à 700 hectares entre 1900 et 1960.

Et pourtant, «cette plante ne se laisse pas faire. Elle est trop liée au développement de l’humanité pour disparaître», affirme Vincent Lartizien, fondateur de la marque alimentaire Les Chanvres de l’Atlantique.

La renaissance a commencé en 1973 avec la création de la Chanvrière de l’Aube, première coopérative française destinée à l’origine à l’industrie papetière, le chanvre étant d’une résistance sans pareille pour le papier à cigarettes et les billets de banque. À partir des années 1990, les agronomes ont redécouvert l’intérêt d’intégrer dans la rotation des cultures Cannabis sativa L., le nom botanique du chanvre, capable de pousser jusqu’à trois mètres de haut en quelques mois sans engrais ni pesticide et peu d’irrigation.

 

Le chanvre pousse tout seul

Dès 1993, la coopérative Interval située à Arc-lès-Gray en Haute-Saône s’est lancée dans cette culture en rotation avec le blé, valorisant sa paille dans la plasturgie. Pionnière, cette initiative s’est révélée judicieuse: «Ce végétal pousse si vite qu’il étouffe les mauvaises herbes. Il rompt le cycle des maladies et des adventices. Il n’y a pratiquement rien à faire: cela pousse tout seul», s’émerveille Gilles Chanet, responsable du site. Selon Interchanvre, fédération des producteurs et transformateurs, cette plante est capable de capter 15 tonnes de CO2 par an et par hectare.

©Snezana Gerbault. Le chanvre peut être transformé en biomatériaux pour la construction automobile, le bâtiment, l’alimentaire, le textile…

Dès le mois de juin, le paysage vallonné est moucheté de parcelles vert intense qui attirent l’œil. Inutile de prendre son sécateur pour dérober les feuilles étoilées. La coopérative s’approvisionne en semences certifiées par l’organisme Hemp-It et dont le taux de THC (molécule tétrahydrocannabinol aux propriétés psychoactives) reste inférieur à la limite légale de 0,2%.

Actuellement, la loi française interdit de récolter la fleur pour en extraire du THC comme du CBD (cannabidiol, molécule sans propriété stupéfiante) (1). Seul le décret du 9 octobre 2020 autorise l’expérimentation du cannabis auprès de 3 000 patients atteints de maladies chroniques. Celle-ci commencera le 31 mars pour une durée de deux ans.

«Au début, les gendarmes et certains petits malins se trompaient, s’amuse Gilles Chanet. Mais nous ne cultivons pas de chanvre récréatif. Les contrôles sont stricts et nombreux.»

 

En trente ans, la France est devenue le premier producteur européen avec 17 900 hectares cultivés en 2019 par 1 400 agriculteurs dans tout l’arc ouest, nord et est du territoire. La filière est organisée autour d’une petite dizaine de groupes appelés chanvrières (La Chanvrière de l’Aube, Cavac, Planète Chanvre, Eurochanvre…) qui transforment plus de 80 000 tonnes de végétal en biomatériaux pour la construction automobile (tableaux de bord, intérieurs de portes), le bâtiment, l’alimentaire, le textile… Elle compte aussi une multitude de francs-tireurs en circuit court, participant à la réhabilitation de cette plante ancestrale au niveau local.

 

Développer la filière

Si les qualités écologiques du chanvre ne sont plus à démontrer, le plus ardu reste la conquête de nouveaux marchés, indispensable pour sécuriser les revenus des agriculteurs. En 2015, après des années d’investissements en matériel, Interval a créé APM (Automative Performance Materials), une co-entreprise avec le sous-traitant automobile Faurecia chargée de valoriser les bioplastiques.

«Le grand public l’ignore, mais des tableaux de bord composés de 20% de chanvre équipent les modèles Zoe et Megane de Renault», souligne avec fierté Philippe Guichard, président d’Interval. «Actuellement plus d’un million de véhicules circulent avec des équipements en alliage de chanvre», assure Franck Barbier, président de Planète Chanvre. Plus légers, ils concourent à rendre les véhicules moins énergivores. Ces pièces sont aussi plus faciles à recycler.

Certes, la crise liée à la pandémie freine la construction automobile. Mais le chanvre profite de la volonté de «verdir» l’économie sur le long terme. Une tendance bien réelle dans le bâtiment, deuxième grand débouché des chanvrières après le secteur automobile. Depuis juillet 2019, le dispositif Eco-énergie tertiaire impose aux constructeurs la neutralité carbone d’ici 2050 pour les bâtiments de plus de 1000m².

Pour contrer le puissant lobby du béton conventionnel, le chanvre mise sur les qualités durables et non polluantes des briques et des isolants. Le plan de relance déployé par l’Etat pour soutenir l’économie française devrait également encourager l’innovation. «Nous avons obtenu un financement de 1,4 million d’euros pour travailler sur la maîtrise des odeurs des matériaux végétaux et sur la fin de vie du béton de chanvre en partenariat avec l’Ademe [l’Agence de la transition écologique NDLR]», confirme Pierre Bono, directeur du centre Fibres Recherche Développement (FRB), labellisé par l’Etat.

 

Remplacer le coton?

La filière la plus difficile à relancer est le textile. Elle demande en effet une mécanisation spécifique pour obtenir des fibres longues propices à un tissage fin. C’est pourtant celle qui aurait le plus d’impact face au coût environnemental et social du coton: jusqu’à 11000 litres d’eau sont nécessaires à la fabrication d’un seul jean, selon l’Ademe.

Actuellement, seule la Chine est à même de fournir des quantités industrielles de chanvre textile avec le soutien actif du gouvernement (voir encadré en fin d’article). En France, la Chanvrière de l’Aube propose une solution à base de fibres courtes ou d’étoupes qui se prête aux mélanges avec du coton. On la retrouve dans des chaussettes Decathlon et des housses de coussin Ikea.

Tissu chanvre Thierry

©Snezana Gerbault. Le chanvre est beaucoup moins polluant que le coton. Une filière est en train de se reconstituer en France.

En Normandie, l’association Lin et chanvre bio travaille d’arrache-pied pour mettre au point un outil dédié aux fibres longues. Fin 2020, le premier prototype de jean en chanvre cultivé en France a vu le jour, issu de sa coopération avec le tisseur Emanuel Lang en Alsace et le confectionneur Le Gaulois près de Lyon. Seule la filature a été réalisée en Pologne dans l’usine délocalisée du Français Safilin.

«Le chanvre textile a un grand potentiel, se félicite Jean-Charles Tchakirian, fondateur du Gaulois. Face à la mondialisation qui a fait du jean un produit très polluant, tout un parcours de revalorisation du savoir-faire se met en place en France.»

Dans le Sud-Ouest, Pierre Amadieu, fondateur de la société Hemp-Act, mène ses propres expériences pilotes de fibres semi-longues avec l’ambition de proposer un jean en chanvre d’Occitanie dès cette année.

«Le chanvre textile est une matière très valorisable, à partir de 1500 euros la tonne après défibrage contre 700 euros pour le chanvre technique, affirme-t-il. On est à l’aube d’une nouvelle économie à base de matériaux fixateurs de carbone, générateurs d’emplois non délocalisables.»

 

Une législation stupéfiante

Le chanvre, un nouvel eldorado? Il attire en tout cas une génération d’entrepreneurs bien différents des pionniers des années 1990. Plus jeunes, plus citadins, ils s’intéressent au CBD, molécule aux propriétés relaxantes que l’on retrouve dans la composition de produits cosmétiques, alimentaires ou liquides pour cigarettes électroniques. Ces nouveaux chantres du chanvre se heurtent à l’écueil de l’interdiction d’exploiter la fleur en France, dont est extrait le CBD.

Alors que la France est le premier producteur européen, ces sociétés doivent s’approvisionner à l’étranger pour commercialiser cette molécule qui n’est pourtant pas classée comme stupéfiant. Une distorsion de concurrence difficile à comprendre. Les jeunes entrepreneurs se sont fédérés au sein du Syndicat des professionnels du chanvre qui mène un lobbying intense pour clarifier la réglementation

Une décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne va dans leur sens en statuant sur l’autorisation de la commercialisation du CBD en France. Pour certains, ce jugement ouvre la voie à l’autorisation d’un CBD made in France.

À cela s’ajoute la législation de la France en matière de THC, la molécule qui caractérise le chanvre récréatif. Une mission parlementaire, dont les conclusions sont attendues pour avril, a lancé une consultation citoyenne pour prendre le pouls de l’opinion à propos du cadre actuel. Les avis s’affrontent autour d’une plante que certains considèrent injustement diabolisée, d’autres dangereuse pour la santé.

Pour ses défenseurs, la dépénalisation à l’égal de l’alcool et du tabac permettrait une plus large valorisation du chanvre dans tous ses usages et rapporterait des taxes à l’État. Ses opposants au contraire pointent les effets addictifs du THC et les risques d’escalade vers des drogues plus dures, surtout si on casse un trafic clandestin mais lucratif.

Chine, super puissance du chanvre

Si la France est le premier producteur européen de chanvre avec 17900 hectares en production en 2019, la Chine est de loin le leader mondial avec 66700 hectares, selon Interchanvre, la fédération des producteurs et transformateurs de cette plante. L’empire du Milieu se mobilise en faveur d’une alternative au coton, culture qui exige beaucoup d’eau et de pesticide. En plus du textile, la Chine concurrence l’Hexagone sur deux marchés phares: la construction et l’alimentaire. Tout le contraire des pays d’Amérique du Nord, les États-Unis et le Canada, qui misent sur le cannabis thérapeutique et récréatif, et le CBD ou cannabidiol, molécule sans propriété stupéfiante présente dans des produits alimentaires, cosmétiques… Le Colorado par exemple a dépénalisé l’usage du cannabis ce qui a favorisé l’émergence d’une économie très lucrative.

(1) Le gouvernement dans son arrêté du 30 décembre 2021 (publié au Journal Officiel le 31 décembre) autorise pour la première fois l’extraction du CBD en France et un taux de THC jusqu’à 0,3%. L’arrêté interdit en revanche la vente aux consommateurs de feuilles et de fleurs de chanvre brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, afin d’être infusées ou fumées. Le 24 janvier, le Conseil d’État a suspendu à titre provisoire cette interdiction au motif qu’il y aurait un doute sérieux sur sa légalité en raison de son caractère potentiellement disproportionné (le taux de THC < à 0,3% est validé par l’arrêté lui-même et il existe des méthodes pour vérifier la teneur en THC des fleurs et feuilles de CBD). Cette suspension est un motif d’espoir pour tout le secteur, dans l’attente de la décision au fond du Conseil d’État attendue en fin d’année.

Pascale Caussat

Pascale Caussat

Journaliste indépendante spécialisée économie, tendances, art de vivre

Elle collabore avec de nombreux journaux et magazines comme Le Journal du Dimanche, Stratégies, Alternatives Économiques, 4 saisons, Culture Agri…

Blog : Une bonne idée par jour

Marie

Marie Nicot

Spécialisée en agro-alimentaire, avec, au centre de mes préoccupations, l’évolution de l’agriculture vers un modèle plus durable. Le chanvre illustre parfaitement cette transition. C’est pour cette raison que la journaliste Pascale Caussat, la photographe Snezana Gerbault et elle-même mènent une enquête au long cours sur cette plante et ses usages. Marie Nicot collabore à L’Express, Le Figaro, Culture Agri, LSA… Lauréate du Grand prix du journalisme agricole de l’AFJA (Association des journalistes de l’agriculture et de l’alimentation) en 2017.

Pascale Caussat

Snezana Gerbault

Auteure photographe et ingénieure agronome

Snezana Gerbault travaille pour la presse spécialisée dans les domaines du jardin, de la nature et de la gastronomie. Auteure d’une dizaine de livres, elle développe parallèlement un travail plus personnel et expose régulièrement ses photographies.

Le GIEC intensifie son appel à l’urgence

Le GIEC intensifie son appel à l’urgence

Si nos attentions sont actuellement focalisées par la montée en température de la géopolitique, conflit en Ukraine oblige, d’autres dangers de fond continuent de menacer le monde entier. Baptisé “Changements climatiques 2021: les éléments scientifiques” et approuvé par 195 États, le sixième rapport du GIEC nous le rappelle…

Une fois de plus, ce groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mis en place par les Nations Unies en 1988, joue les Cassandre…en espérant se faire entendre.

Les deux premiers volumes ont été remis le 9 août dernier -trois mois avant la Cop 26 de Glasgow. Son sixième rapport, paru le 28 février, a beau parler de réchauffement climatique, il fait froid dans le dos.

GIEC-Volume 1: Les tendances climatiques déjà en oeuvre

Le premier volume fait un constat de l’état actuel et des tendances climatiques déjà en œuvre. Consacré aux conséquences du réchauffement de la planète (+ 1,1% depuis la période pré-industrielle 1850-1900), il l’affirme haut et fort pour la première fois : l’homme en est bel et bien responsable. “Les augmentations observées des concentrations de gaz à effet de serre depuis 1750 sont, sans équivoque, causées par les activités humaines” affirment les experts du GIEC. Les phénomènes naturels, éruptions volcaniques et autres changements dans l’orbite de la Terre, auraient, eux, une influence proche du zéro…De quoi faire taire les climato-sceptiques?

Ce premier opus évoque trois conséquences d’ores et déjà observables, qui vont en s’accélérant dans le monde:

  • la baisse des ressources en eau et nourriture et ce plus particulièrement en Afrique, Asie et dans les petites îles.
  • la réduction de moitié des aires de répartition des espèces animales et végétales.
  • l’impact sur la santé mondiale, en ce qui concerne la mortalité accrue, la dégradation de la qualité de l’air. Il s’agît également de la résurgence de maladies existantes comme le Choléra et apparition de nouvelles, augmentations du stress thermique.

C’est ainsi que près de la moitié de l’humanité, soit 3,3 à 3,6 milliards de personnes, vivent déjà “dans des contextes hautement vulnérables au changement climatique”.

Et ce n’est pas fini: un dépassement, même temporaire, de 1,5 degré de réchauffement du globe (l’objectif de neutralité carbone fixé fin 2015 par l’accord de Paris) aurait des nouvelles conséquences parfois “irréversibles”. Or, si rien n’est fait, le réchauffement pourrait atteindre à la fin du siècle 2,7°C. Et si on fait pire, attendre même 5°C et plus ! Avec des effets qui seraient alors dévastateurs dès 2025.

GIEC-Volume 2: Les objectifs climatiques à long terme

Le deuxième volume du sixième rapport du GIEC et donc aussitôt évoque les objectifs à long terme en matière de climat. Et il insiste sur la nécessité d’appuyer sur l’accélérateur en termes de moyens pour lutter contre le réchauffement. Or, les engagements pris lors de la Cop 26 à Glasgow, en novembre dernier, soit le doublement des budgets consacrés à ce sujet clé, n’ont pas été respectés. Tandis qu’en France, certaines ONG dénoncent le temps réduit consacré au sujet du réchauffement climatique (moins de 3%) pendant la campagne présidentielle.

Malgré tout, il est encore possible, et urgent, d’agir. Pour les politiques, mais aussi pour les entreprises et les particuliers, afin d’éviter la réalisation d’un scénario catastrophe.

Le GIEC appelle tout particulièrement à des efforts financiers ”colossaux et urgents” dans les trois domaines suivants:

  1. Transition énergétique et réduction du Co2.
  2. Meilleure gestion de l’eau et de l’irrigation et meilleure adaptation des cultures aux conditions climatiques.
  3. Préservation du milieu naturel, via la restauration des forêts et écosystèmes naturels, arrêt de l’urbanisation dans les zones côtières, végétalisation des villes…


Autant de points pour lesquels la filière Mode peut apporter sa contribution.

1) Réduction du Co2

La filière habillement représenterait entre 2 et 4% des émissions mondiales de Co2.

«De nombreux leviers peuvent être actionnés pour diminuer cet impact environnemental: qualité de l’approvisionnement matières, diminution des quantités produites pour éviter la surproduction, allongement de la durée de vie des produits (recours à la seconde main, à la location ou au recyclage), éco-conception…» Tiré de l’ouvrage “A la croisée des Mondes”.

Clarisse Perotti Reille

Directrice Générale, Defi

Selon Arnaud Gauffier, responsable des programmes du WWF France, « l’objectif est de limiter le réchauffement climatique et continuer nos achats de vêtements neufs à 1kg par an et par personne. 1,5°C nécessiterait des efforts colossaux et urgents de modification des politiques publiques et de nos modes de vie. Pour aligner les émissions en Co2 de la France avec un objectif 1,5°C, il faudrait par exemple :

  • abandonner les moteurs thermiques des voitures individuelles au plus vite ;
  • renoncer aux liaisons aériennes internes ;
  • limiter drastiquement les vols internationaux ;
  • diviser par près de 3 notre consommation de viande individuelle ;
  • engager des plans massifs de rénovation thermique. »

2) Optimisation de l’eau

Selon la Ellen MacArthur Foundation, 4% de l’eau potable disponible dans le monde est utilisée pour produire des vêtements. Et selon la Banque mondiale, 17 à 20% de la pollution de l’eau mondiale serait due à l’industrie textile. Là encore des solutions ont déjà commencé à émerger et doivent encore être trouvées: culture d’un coton moins gourmand en eau, délavage écologique (par exemple à l’ozone) du jean, évolution déjà drastique des normes de l’industrie textile européenne, fabrication de vêtements délivrant moins de microplastiques primaires lors de leur lavage, sources de pollution des océans…

3) Préservation du milieu naturel, végétalisation

La filière textile n’est pas toujours directement concernée. Mais via le mécénat en faveur de la cause verte, ou concrètement, dans nos villes et périphéries la végétalisation des surfaces de vente et centres commerciaux, j’en passe et des meilleurs, elle peut aussi agir.


En avril prochain, soit dans très peu de temps, sera publié
le troisième volume du sixième rapport GIEC. Après le temps de la sensibilisation choc, il s’agira de faire le point sur les solutions à envisager pour réduire, à court terme, les émissions de gaz à effet de serre. Si la balle est d’abord dans le camp de nos politiques, la filière Mode peut aussi contribuer, par ses efforts incessants, à des avancées concrètes de cette cause vitale!

Bâtiment végétalisé
Sophie Bouhier de l'Ecluse

Sophie Bouhier de l'Ecluse

Journaliste indépendante

Spécialiste de la filière textile (ex rédactrice en chef adjointe du Journal du Textile), suit avec passion une filière qui ne cesse de se réinventer de façon…durable pour le bien de tous.

La mode mise sur l’upcycling!

La mode mise sur l’upcycling!

Upcycling Plateau Fertile Tessigraphes

L’upcycling s’impose de plus en plus dans l’industrie de la mode. Dans cet article, nous parlerons de l’impact de la mode sur l’environnement. Qu’est-ce que l’upcycling? Quels sont ses avantages?

« Rien ne se perd, tout se transforme. »

 

L’upcycling: définition

Le terme upcycling ou surcyclage en français désigne l’action de récupérer des tissus ou des vêtements déjà existants, dont on ne se sert plus. L’idée est de les valoriser, en fabriquant des vêtements de qualité ou d’utilité supérieure à leur état d’origine.

La mise en pratique requiert un réel savoir-faire. Il faut:

  1. dénicher le bon tissu,
  2. vérifier son état,
  3. le nettoyer.

Ensuite, vient tout le processus de création et de conception de la nouvelle pièce à partir de l’ancienne.

Ce procédé est l’une des réponses potentielles à la crise existentielle du luxe qui, à force de multiplier ses enseignes et de proposer les mêmes produits aux quatre coins du monde, a fini par perdre l’originalité qui caractérise la mode.

 

Le secteur textile présente un bilan alarmant

L’industrie de la mode est l’une des plus polluantes au monde. La fast fashion induit une fabrication de plus en plus massive. Ces trois dernières années, la production de vêtements a augmenté de 20%.

Selon le media Business of fashion, une femme achète en moyenne 30 kg de textile par an et, moins d’un quart sont recyclés. En effet, on comptabilise 160 000 tonnes de vêtements recyclés pour environ 700 000 tonnes d’achats. L’équivalent de 442 millions d’euros de vêtements sont donc jetés chaque année. On a encore des progrès à faire en termes de recyclage.

Toute cette façon de consommer et de gaspiller génère une pollution de l’eau, de l’air avec les gaz à effet de serre et, met en péril la santé des gens qui produisent dans des conditions de plus en plus précaires.

 

Une somme d’actions engagées pour changer la donne

« En effet, selon L’institut d’étude Yougov, 23 % de la population affirme avoir déjà acheté un produit upcyclé et plus d’un français sur deux a l’intention d’acheter un produit issu de l’upcycling dans les prochains mois. »

Cela reste difficilement quantifiable, mais de nombreuses marques de vêtements upcyclés ont vu le jour ces dernières années. De plus, c’est un sujet désormais abordé et étudié attentivement dans les écoles de mode. Les étudiants se sentent très concernés par l’impact environnemental de la mode. Ils ont envie de s’engager à produire des vêtements plus responsables et écologiques dans leurs futurs métiers.

 

Les créateurs précurseurs en surcyclage

Avant même que l’on se soucie de la santé de notre planète et que l’on puisse imaginer que l’industrie de la mode puisse être responsable de catastrophes environnementales, en 1990, Martin Margiela a présenté une collection réalisée à partir de sacs plastiques Franprix. Par la suite, il a même lancé une «ligne 0» entièrement recyclée.

archive exposition margiela au palais galiera 2018

Archive exposition Margiela au palais Galiera 2018

Un peu plus récemment, en 2013, la marque Andrea Crew a proposé des collections entièrement recyclées, alors que la cause environnementale n’est pas encore au cœur de nos priorités.

C’est avec l’arrivée de Marine serre, qui remporte le prix LVMH en 2017, que tout se démocratise et s’accélère. Les grandes marques de luxe comme Balenciaga développent alors des pièces à partir d’invendus des dernières collections.

En parallèle, de nombreux concours de mode favorisent désormais des créateurs engagés écologiquement. Il y a même des prix visant à récompenser et à encourager les démarches éco-responsables dans la mode qui se sont créées, comme Les Trophées de la mode circulaire.

 

Les avantages de l’approche upcycling

    • Écologique: recycler une matière déjà existante est beaucoup plus économique en eau et en énergie que de créer une nouvelle matière. On réduit également la production de déchets et on devient acteur d’une société plus écologique.
    • Économique: l’achat de matières de seconde main est moins cher qu’une matière neuve.
    • Originale: cette méthode stimule la créativité et les pièces sont plus originales.
    • Rare: elle permet d’avoir des pièces uniques ou en séries limitées. Vous êtes assuré de ne pas croiser quelqu’un avec la même tenue que vous!
Louise Marcaud

Louise Marcaud

Jeune créatrice de mode dont les valeurs sont basées sur l’up-cycling et la slow fashion qui lui inspire une esthétique minimaliste. Retrouvez tout son univers sur www.louisemarcaud.com.

Comment éco-produire son shooting mode?

Comment éco-produire son shooting mode?

Visuel Shooting

Article du 14 février 2022 et extrait du blog Fashion That Cares et rédigé par Cindy Theunissen

On a tendance à les négliger pourtant les impacts d’un tournage ou d’un shooting sont loin d’être anodins. D’autant plus dans une industrie de la Mode qui en est une grande consommatrice et ce, quel que soit la taille de l’entreprise!

Depuis plusieurs années, de nouveaux comportements plus responsables émergent et la communication n’est pas en reste. Après avoir défini votre stratégie RSE et la façon avec laquelle votre communication (👉) va devoir y contribuer, la prochaine étape peut être de repenser la manière de produire vos contenus afin de garantir une cohérence et un jusqu’au-boutisme dans votre démarche. 

Dans ce nouvel article de notre série sur la communication responsable, nous souhaitons vous faire découvrir les alternatives possibles et les bons comportements à adopter pour shooter et tourner avec plus de bon sens. Nous vous proposons d’y découvrir le témoignage de Frédérique Monnet, consultante et styliste indépendante, reconnue pour l’attention particulière qu’elle porte sur l’impact de la production d’images.

 

Intégrer la notion de responsabilité dès la phase de préparation

Sans équipe, pas de tournage ! Avant toute chose, il est nécessaire d’embarquer vos collaborateurs et vos prestataires dans cette démarche. La responsabilité doit être l’affaire de toutes les parties prenantes et être crédible aux yeux de chacun. Cette sensibilisation est une étape indispensable à la réussite du projet. Vous pouvez envisager de nommer un éco-manager qui sera en charge de toutes les questions environnementales et sociales avant, pendant et après le shooting.

N’hésitez pas à challenger vos prestataires dès la création du cahier des charges en y intégrant vos nouvelles exigences.

 

Pour Frédérique Monnet, la définition d’un shooting responsable (💡) est simple:

«Il doit prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux générés durant la production. Il a pour objectif de limiter les impacts négatifs engendrés par le shooting».

Aussi, pour préparer votre démarche, il est nécessaire d’évaluer votre production afin de pouvoir en mesurer l’efficacité à l’issue de sa réalisation. Pour vous aider, n’hésitez pas à vous appuyer sur l’outil Carbon’Clap, développé par Ecoprod: une démarche collective fondée en 2009 par des acteurs de l’audiovisuel. L’outil, accessible librement, s’adresse à votre équipe de production pour leur permettre d’intégrer le facteur environnemental dans leurs missions.

 

En matière de méthodologie, vous avez l’embarras du choix:

«Il y a la démarche standardisée ISO 14062 qui permet d’appliquer l’éco-socio-conception à la production d’images dont j’ai repris certains critères de base pour en faire une charte qui détaille la mise en place du shooting. Ensuite, c’est du bon sens, comme par exemple le fait de limiter l’utilisation de plastique sur les shootings ou d’utiliser des produits locaux pour le catering.»

témoigne Frédérique.

Pour des productions audiovisuelles respectueuses de l’environnement, Ecoprod met à disposition gratuitement son guide de l’éco-production (📖). Véritable feuille de route, il propose des check-lists et conseils sur l’organisation et la réalisation mais également sur le choix de l’énergie, la restauration ou encore les bonnes pratiques en matière de post-prod.

Guide production-images-durables Source Paris Good Fashion Crédit Sophie Delaporte

Source: Paris Good Fashion / Crédit: Sophie Delaporte 

Le «Guide de la production d’images durables» (📖) de Paris Good Fashion s’adresse directement aux différents métiers en leur apportant des solutions très pratiques. Ses checklists par fiche de poste vont devenir un outil indispensable pour accompagner la mise en place de vos futures productions.

 

La production d’un shooting éco-responsable

 

Le lieu du tournage

Le choix du lieu de tournage est une étape cruciale. Dans la mesure du possible, rien de mieux que de tourner dans votre région pour limiter les déplacements, éviter l’avion et favoriser l’économie locale. C’est justement le cas de Frédérique Monnet :

«J’essaie de travailler avec des lieux un peu oubliés, qui n’ont pas trouvé de financement mais qui font partis du patrimoine français. En ce qui me concerne, ce sont souvent des lieux de proximité, en Île-de-France».

Si vous restez plusieurs jours sur place, l’hébergement des équipes doit être privilégié dans des structures éco labellisées, situées à proximité des lieux de tournage afin, encore une fois, de limiter l’utilisation des transports.

Aussi, une éco-production, surtout lorsqu’elle se fait dans un milieu naturel, se doit de ne laisser aucune trace derrière elle. Attention donc à bien choisir un emplacement qui n’altérera pas la biodiversité présente sur place.

 

Les mannequins

Pour Frédérique Monnet, il faut faire évoluer les pratiques dès l’étape du casting: «Je conseille de privilégier des mannequins français ou qui résident en France, voire dans la région. Même si c’est la marque qui pose le brief, dans la mesure du possible je prends en compte la dimension inclusive dans mes propositions.»

Mais attention à la cohérence entre l’image de marque et la réalité de l’enseigne: «Pour les marques de luxe ça reste encore beaucoup de façade. Par exemple certaines d’entre elles font défiler des mannequins plus size mais ne proposent pas les tailles à la vente. Attention au côté « on veut faire de l’inclusive mais juste pour notre communication». En revanche, il y a des petites marques qui sont prêtes à pousser la démarche jusqu’au shooting pour être cohérente sur le message qu’elles souhaitent faire passer».

Mannequin shooting Frédérique Monnet

« En sursis » – Festival des Autres Mondes – Paris Good Fashion et Eyes on Talent. Sensibiliser les particuliers aux impacts négatifs de la mode 

La restauration

Réduire ses impacts se joue partout, jusque dans l’assiette! Pour votre catering, pensez à utiliser des conditionnements adaptés et à mettre en place le tri sélectif des déchets. Des prestataires spécialisés dans l’organisation de catering éco responsables peuvent vous aider à mettre en place ces pratiques et à aller plus loin en agissant sur la consommation d’énergie et sur l’acheminement des denrées sur le lieu de restauration.

Au niveau des menus, privilégier les produits de saison et évitez le gaspillage en donnant notamment les produits non consommés à une association. Enfin, pensez à proposer une alternative végétarienne ou vegan.

 

L’énergie

Un tournage audiovisuel est très gourmand en énergie : équipements vidéo, photo, son et lumière, climatisation, chauffage… il est possible de se tourner vers des fournisseurs d’énergie verte et de respecter les recommandations de l’ADEME (👉).

Certaines astuces permettent également de réduire ses émissions:

«On essaye au maximum d’utiliser la lumière naturelle et de privilégier les shootings en extérieur» explique Frédérique.

 

Décors et maquillage

Votre scénographie, elle aussi se doit d’être pensée dans un objectif de durabilité. On privilégie la location ou la seconde main et on fait travailler l’économie locale. «Au maximum, on essaie de se fournir chez Emmaüs, Le Relais ou à la Fabrique des Arts et on rend les objets lorsque c’est possible. Sur la création de décor, on privilégie le réutilisable et le recyclable. Le local également, si on a besoin de fleurs, on va chercher des artisans de proximité». De nombreux organismes spécialisés existent à l’image de l’association Art Stock (👉) qui récupère et transforme des décors du spectacle vivant et de l’audiovisuel.

Pour la mise en beauté des mannequins, faites appel à des professionnels qui privilégient au maximum des produits bios et vegans!

 

Post-production

Sur le fond, vos contenus produits se doivent de refléter la réalité à l’image du travail de Frédérique Monnet : «J’essaye au maximum de ne pas faire de retouches sur les clichés et de ne pas tricher sur la photo».

 Sur la forme, il existe des outils numériques plus responsables.

Pour envoyer vos fichiers volumineux, tournez vous vers l’outil français Smash (👉) qui s’est associé à Utopies pour mesurer son impact environnemental.

Pour le stockage des fichiers, Leviia (👉) est une alternative française et qui compensant à hauteur de 200% ses émissions carbone. 

Pensez aussi à limiter les impressions papier pour les contenus digitaux et à sensibiliser vos partenaires sur ces bonnes pratiques.

Enfin n’oubliez pas de prendre en compte les personnes en situation de handicap en prévoyant le sous-titrage (👉) et l’audiodescription de votre production.

 

Évaluer la production dans une démarche d’amélioration continue!

Pour évaluer votre éco-production et déterminer les points à améliorer, votre outil Carbon’Clap sera de nouveau un allier précieux. Une fois les résultats connus, pensez à les restituer aux équipes et à fixer les défis à venir.

Pour aller plus loin, pensez à valoriser votre démarche pour sensibiliser les publics, qu’ils soient consommateurs ou marques. Vous pouvez même organiser une campagne presse sur ce sujet pour participer à votre échelle à la démocratisation de ce type de production.

Il n’existe pour le moment aucun label reconnu pour communiquer sur la démarche mais soyez sûrs que l’œil aguerri du consommateur saura percevoir vos efforts!

 

Fashion That Cares permet de vous accompagner sur la mesure de l’impact carbone de vos évènements et de vous mettre en relation avec des partenaires qui vous permettront d’aller plus loin dans votre démarche de shootings responsables.

 

Logo Fashion That Cares

N’hésitez pas à contacter Fashion That Cares. L’entreprise accompagne les acteurs de la Mode dans la mise en œuvre de pratiques plus durables et responsables. Ce qui l’anime au quotidien, c’est de contribuer à transformer positivement notre industrie.

Loi AGEC: la destruction des invendus des marques de mode interdite à partir du 1er janvier 2022

Loi AGEC: la destruction des invendus des marques de mode interdite à partir du 1er janvier 2022

Article datant du 03 janvier 2022 et extrait du blog de Glynnis Makoundou – Avocat au barreau de Lyon.

Stocks tee-shirts upcyclés
Depuis le 1er janvier 2022, les marques de mode sont soumises à l’interdiction de détruire leurs stocks d’invendus. Quelles sont leurs options pour gérer ces stocks ?

 

La problématique de la destruction des invendus par les marques de mode

Chaque année, entre 10 000 et 20 000 tonnes de produits textiles neufs sont détruits en France. Dans le monde, l’industrie du textile émet chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit 2 % des émissions globales de gaz à effet de serre. (Source Ademe).

Le grand public avait été sensibilisé à cette pratique en 2017, lorsque la marque anglaise Burberry avait annoncé avoir détruit des produits neufs invendus d’une valeur globale de 28,6 millions de livres sterling dans son rapport annuel.

La France a mis en place une législation nationale pour mettre un terme à cette pratique, qui reste légale dans d’autres pays, notamment aux États-Unis. Il y a a peine quelques mois, l’influenceuse écologiste américaine Anna Sacks avait dénoncé sur TikTok les pratiques de la marque Coach consistant à endommager les sacs invendus afin de pouvoir les détruire. Depuis, la marque déclare avoir revu sa copie et adopté une politique similaire à celle qui est désormais obligatoire en France.

 

L’interdiction de destruction des textiles invendus en France

Le 1er janvier 2022, l’interdiction pour les marques de textile, linge de maison et chaussures de détruire leurs invendus est entrée en vigueur. Elle est prévue par l’article 45 de la loi AGEC, qui crée un article L541-11-8 dans le Code de l’environnement.

Les producteurs, importateurs ou distributeurs de vêtements sur le marché français disposent de 3 alternatives pour gérer leur stock de produits invendus.

  1. le réemploi, notamment par le don
  2. la réutilisation
  3. le recyclage

 

Cette dernière option intervient dans le respect d’une hiérarchie de mode de traitement à suivre dans cet ordre:

  • préparation en vue de la réutilisation
  • recyclage
  • toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique
  • en dernier recours, l’élimination.

La loi prévoit deux exceptions : la destruction est autorisée lorsque les produits sont dangereux ou que leur revalorisation n’est pas viable économiquement ou implique une autre forme de dommage à l’environnement. Les critères sont précisés à l’article R. 541-323.-I du Code de l’environnement.

 

Comment mettre en oeuvre la gestion des stocks de vêtements invendus ?

Les modalités pratiques de mise en oeuvre de la gestion des invendus et la déclinaison des objectifs adaptée à chaque filière sont confiées aux éco-organismes constitués par les filières à responsabilité élargie des producteurs.

Focus sur la Responsabilité élargie des producteurs (REP)

La REP est un dispositif illustrant le principe pollueur-payeur mis en place par l’article L110-1 du Code de l’environnement. Selon ce principe, “les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur”.

Les entreprises qui commercialisent certains produits sur le marché français sont soumises à un principe de responsabilité élargie à l’ensemble du cycle de vie du produit, de sa conception à sa fin de vie. Il peut s’agir du producteur, de l’importateur ou du distributeur des produits.

Elles contribuent notamment financièrement à la gestion des déchets produits par la filière. À défaut de respect de ces obligations, de lourdes sanctions financières sont prévues par l’article L541-9-5 du code de l’environnement.

Les entreprises d’une filière peuvent se regrouper en créant un éco-organisme, structure collective à but non lucratif. Elles adhèrent à l’éco-organisme et versent des cotisations visant à financer l’ensemble de leurs obligations. Chaque entreprise peut également mettre en place un système individuel. La filière Textile d’habillement, Linge de maison et Chaussure a constitué l’éco-organisme Re-fashion.

Solutions et alternatives pour la gestion des invendus textiles

Les marques de mode qui disposent d’un stock d’invendus peuvent essayer de les écouler, en réalisant des opérations de promotions ou des soldes, en les distribuant en outlet, en magasin d’usine ou via des déstockeurs, ou encore en organisant des ventes au personnel. Ces différentes opérations font l’objet de règlementations spécifiques.

Le réemploi passe par le don à des associations ou la recherche d’une solution de réemploi sur des plateformes de revalorisation, comme par exemple Renaissance Textile.

On entend souvent dans l’écosystème de la mode responsable que le vêtement le plus écologique est celui qui n’est pas fabriqué.

Ainsi ces dispositions de la loi AGEC font la part belle aux marques de mode qui adoptent des business modèles innovants visant à agir à la source en limitant la sur-production, ou encore à favoriser le réemploi ou le recyclage.

Il s’agit notamment de la seconde-main, de l’upcycling, de l’éco-conception ou de la production à la demande (sur commande ou en précommande).

Vous créez ou développez votre marque de mode en 2022 ? Contacter Glynnis Makoundou pour faire le point sur vos obligations juridiques et réglementaires !

 Glynnis Makoundou

Glynnis Makoundou

Avocate d'affaires passionnée de mode et de digital

Glynnis Makoundou est avocate au barreau de Lyon. Forte de 10 ans d’expérience en tant que juriste e-commerce, créatrice de marque d’accessoires et blogueuse mode, elle a créé en 2022 un cabinet dédié aux entrepreneurs et professionnels du secteur de la mode, qu’elle conseille et représente en droit des affaires, du numérique et de la propriété intellectuelle.

Retrouvez ces services sur son site makoundou-avocat.fr.