Portrait d’un startupper qui court qui court : Valentin Denieul pour KOMOREBI
Jeux Olympiques de Paris obligent, notre coup de cœur s’est porté sur un jeune startupper pressé : Valentin Denieul , créateur de la marque KOMOREBI , la marque des « Tee-shirts avec un drapeau » comme lui-même l’appelle, avec une simplicité désarmante !
Tee-shirts… Drapeaux… Jeux Olympiques : vous devinez ? Oui, nous pourrons découvrir l’équipe olympique du Népal habillée par ses soins le 26 juillet, lors de la cérémonie d’ouverture ! Pourtant il n’y assistera pas, bien trop occupé pour ça, entre installation de pop up stores, couture de … drapeaux sur tee-shirts et lancement de nouvelles lignes … Les JO sont presque du passé pour lui déjà : Valentin court beaucoup et vite. Parce qu’aujourd’hui pour se lancer dans le textile et surtout la création de tee-shirts, il faut savoir oser, savoir faire et faire savoir ! Et vite !
A 28 ans, Valentin est diplômé d’une école de commerce et a rencontré le textile … comme vendeur, chez Hermès, pendant ses études, puis comme analyste financier pour LVMH, dans de luxueux buildings climatisés à Honk Kong. Pourtant, début 2023, il lâche tout pour se lancer dans l’aventure de la création et reprendre KOMOREBI, en y « mettant les deux mains » ! Et je découvrirai à quel point, quand je visiterai son point de vente éphémère !
Alors notre entretien s’est déroulé à son image : énergique et virevoltant.
C’est à l’Institut Français de la Mode, à Paris, que notre rendez-vous est convenu. Valentin y est en résidence pendant un an au sein de l’Incubateur, dédié aux entrepreneurs en herbe. Finalement non : un pop up store est à installer d’urgence, dans le 17ème arrondissement de Paris, rue des Batignolles, alors l’interview devra se faire en visio car le temps presse.
Je réussis à attraper Valentin sur le trottoir devant la boutique en cours d’installation, bourdonnante.
Des valises recouvertes de stickers de voyage annoncent l’intention en décor : ces tee-shirts sont destinés à tous les citoyens voyageurs du monde, c’est clair, et à ceux qui aiment les articles personnalisés, puisqu’ils seront cousus sur place avec le drapeau choisi, sur leur cœur, c’est important.
Pourquoi quitter le confort et le luxe pour se lancer dans la commercialisation de l’article le plus concurrentiel du monde ?
« Cette aventure c’est presque un rêve d’enfant qui voit le jour : avec mes parents, j’ai eu la chance de beaucoup voyager “sac à dos” et j’ai continué de le faire, très curieux des pays, de leurs habitants, leurs traditions…leurs drapeaux ! Car oui, enfant déjà j’étais fasciné par les drapeaux ! Mais en fait l’idée est née lors d’un échange académique en Inde, à Bombay. Eté 2015 : nous visitons avec un camarade d’études, un champ de coton à Tiruppur (Sud-Est de l’Inde) et rencontrons Mr Raja, dirigeant une petite coopérative textile. Les artisans habitent tous le bidonville de Dharavi, au cœur de Mumbai, y vivent et y travaillent en harmonie : c’est le déclic ! Nous les globe-trotters, on est tombés amoureux des lieux, des gens, de leur façon de vivre et de produire un beau coton cultivé sans engrais ni pesticides : l’idée s’impose et nous restons 3 mois dans l’usine, pour apprendre leur métier et commencer à produire nos premiers tee-shirts. Pourquoi des tee-shirts ? On ne le cache pas : ils sont très simples à produire ! Pourquoi KOMOREBI ? Komorebi veut dire en japonais : « la lumière qui passe à travers les feuilles des arbres. » Moi je veux mettre en lumière les drapeaux du monde et ce qu’ils signifient pour chacun. »
« Valentin : les drapeaux arrivent, le livreur est là, on a besoin d’aide ? OK !Ok ! On peut se rappeller ? ».
Je reprends 20 minutes plus tard…
« C’est ainsi qu’est né le storystelling de cette marque à l’esprit baroudeur, qui veut des produits éco-responsables, de qualité, qui fait porter haut les couleurs de son pays, quel qu’il soit, ou de son cœur, et sur son cœur. Elle est universaliste, apolitique, respectueuse et bienveillante. Nous avons bien sûr choisi notre fabricant à Tiruppur, capable de nous assurer qualité et constance de leur coton bio, décidé de réaliser des étiquettes brodées par des artisans locaux, et opté pour des courbes simples, intemporelles, bien taillées. En minimisant les intermédiaires, nous avons visé la qualité ET l’accessibilité, sans jamais oublier notre responsabilité sociale, en développant un partenariat avec l’école de Dharavi (financement de kits scolaires, aide à la rénovation de l’école, animations pédagogiques …) avec nos petits moyens. Nous avons utilisé ULULE pour collecter quelques fonds et rencontré un joli succès : 124% de préventes sur un objectif de 100 ! Et puis, pris par la suite de nos études et nos premiers pas professionnels, la marque a ronronné …
Tout ça explique qu’après 4 années de tableaux Excel à Honk Kong, il est apparu qu’il me manquait l’essentiel : le terrain, l’aventure. Bref : me lancer ! Donc en Janvier 2023, je reprends la gérance de l’affaire en mains, seul, conscient que le marché du tee-shirt est certes le plus compétitif du monde mais aussi terriblement porteur et qu’il a bien changé : s’il reste un vêtement jetable pour beaucoup, il est aussi devenu plus sophistiqué, plus personnalisé et qualitatif, vrai medium de communication aussi … Exactement ma piste originale : je fonce, et me lance avec mes 40000 euros d’économies, ma famille et mon réseau d’anciens élèves d’Ecole !
« Oh ! Désolé : le représentant de l’équipe olympique népalaise m’appelle ! Je raccroche et on se rappelle ?”
10 minutes plus tard, on reprend …
Parlons-en : j’allais questionner le rapport entre KOMOREBI et les Jeux Olympiques de Paris ? Par quel miracle KOMOREBI habillera-t-elle l’équipe du Népal aux JO 2024?
« Pas un miracle mais de la chance et de l’audace ! Il faut croire à son étoile quand on lance son activité ! En voyage au Népal, me vient l’idée de contacter le Comité Olympique pour me présenter. Le seul à pouvoir me répondre en anglais en est le Secrétaire Général lui-même, intrigué, et déçu de ses fournisseurs chinois. Dès lors, les rendez-vous s’enchaînent et un partenariat pour 4 ans est signé en quelques mois avec une contrepartie évidente : la fabrication de la collection au Népal ! Bien sûr, l’équipe est petite : 6 athlètes, mais quelle émotion pour le jeune entrepreneur que je suis. Ce seront 16 produits développés, des joggings aux serviettes …avec les anneaux olympiques au niveau du cœur, accompagnés de triangles rouge carmin typiques du drapeau népalais. Mais surtout 4 ans de partenariat qui nous permettront d’accompagner le Népal aux Jeux d’Asie du Sud-Est en 2025, puis en 2026 aux Jeux Asiatiques de Nagoya, aux Youth Olympic Games à Dakar en 2026, aux Jo d’hiver en Italie … et puis aux JO de 2028 à Los Angeles. Des débouchés inestimables et des développements produits induits aussi, tournés vers l’outdoor et le sport avec une quinzaine d’articles pour la montagne, Himalaya oblige !
« Valentin ! On a besoin de toi en boutique : 2 clients veulent 4 tee-shirts rapidement ! ».
Nous continuons l’entretien pendant que Valentin court coudre les drapeaux choisis, oreillette en place !
Bravo Valentin ! Mais côté production : quels choix stratégiques a-t-il fallu opérer pour coordonner opportunité commerciale et philosophie de marque ?
Effectivement il faut être agile en de pareilles circonstances et s’adapter vite à l’évolution sans trahir ses fondamentaux. Nous avions choisi de nous fournir en coton bio en Inde mais j’ai réalisé que l’idéal est de CESSER de surproduire et nous garantir une stabilité de l’approvisionnement. Nous sommes ainsi passés au coton recyclé à partir de fins de séries inutilisées au Népal, et au Made in France pour la confection : tricotage réalisé à Troyes, par l’Atelier Bugis, et transformation en tee-shirts à Roubaix, en 6 coloris et 6 tailles. Une partie de cette production se fera aussi dorénavant au Népal, contrat et prix obligent. Les 250 drapeaux restent brodés en Inde car les artisans y excellent ! Des thèmes nouveaux, imprimés, sont apparus en collections capsules : Fleurs du Monde, Animaux en Danger, ValeMontero … vendues dans des pop-up stores, en plus des lignes classiques vendues via notre site, dont 5% des bénéfices sont reversés à une association de défense des animaux : Goupil Connexion.
KOMOREBI reste attentive au monde qui l’entoure et le défend avec conviction ! Ainsi pour réduire notre impact au maximum, nous n’utilisons aucun emballage plastique ! Ceci n’est pas un positionnement, aujourd’hui, c’est une nécessité. Je veux une mode responsable, dans l’air du temps et qui parle au plus grand nombre. Même si aujourd’hui, nos tee-shirts sont vendus 49 euros, mais en juste rémunération de leur qualité. Pendant les Jeux, vous pourrez les trouver en boutique éphémère sur l’Île Saint Louis, à Paris .
Valentin ! Les clients reviennent chercher leurs tee-shirts : donne leur, c’est toi qui les as personnalisés et ils veulent voir le créateur ! On reprend dans 5 minutes ?
Quelle vie trépidante Valentin ! Comment avez-vous acquis toutes ces compétences si vite ?
La commercialisation, les prix de revient, la gestion je connaissais mais c’est Fashion Green Hub qui m’a mis sur la rampe de lancement : c’est grâce à leur formation sur place, dans leur atelier parisien, que j’ai appris la confection et édité mes premiers tee-shirts ! Et les ai vendus grâce à une boutique partagée à EuraLille où ils ont plu énormément ! Mais surtout j’ai bénéficié de leurs conseils précieux et de leur carnet d’adresses immense, entouré d’une équipe 300% bienveillante et stimulante. Ensuite l’Institut Français de la Mode, où j’ai obtenu sur concours un an de résidence au sein de leur Incubateur pour jeunes créateurs. On m’y héberge et me coache sur le marketing et le développement de la marque : un atout énorme ! J’ai construit ma légitimité avec ces parrains et un modèle en tête : PATAGONIA.
Une dernière question : quels sont vos rêves pour ce soir ? Pour demain ?
Pour ce soir, c’est participer à la Fête de la Musique avec un DJ et une animation sur place ! Demain ? C’est l’ouverture d’une boutique en propre, dès que possible, peut-être au Népal, puis essaimer en Asie et …ailleurs bien sûr ! Étendre les collections puis, je l’espère, pouvoir lever des fonds pour aller plus loin ?
“Je suis confiant : le concept KOMOREBI est universel et feelgood !
Et surtout je suis heureux et fier. Très. Même si c’est physiquement et mentalement très impliquant , l’aventure de la création d’une marque est source d’émotions himalayennes !”
J’apprendrai plus tard que Valentin et son équipe ont fermé boutique à 3hoo du matin.
Isabelle Rubichi
Rédactrice indépendante