Une fois de plus, ce groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mis en place par les Nations Unies en 1988, joue les Cassandre…en espérant se faire entendre.
Les deux premiers volumes ont été remis le 9 août dernier -trois mois avant la Cop 26 de Glasgow. Son sixième rapport, paru le 28 février, a beau parler de réchauffement climatique, il fait froid dans le dos.
GIEC-Volume 1: Les tendances climatiques déjà en oeuvre
Le premier volume fait un constat de l’état actuel et des tendances climatiques déjà en œuvre. Consacré aux conséquences du réchauffement de la planète (+ 1,1% depuis la période pré-industrielle 1850-1900), il l’affirme haut et fort pour la première fois : l’homme en est bel et bien responsable. “Les augmentations observées des concentrations de gaz à effet de serre depuis 1750 sont, sans équivoque, causées par les activités humaines” affirment les experts du GIEC. Les phénomènes naturels, éruptions volcaniques et autres changements dans l’orbite de la Terre, auraient, eux, une influence proche du zéro…De quoi faire taire les climato-sceptiques?
Ce premier opus évoque trois conséquences d’ores et déjà observables, qui vont en s’accélérant dans le monde:
- la baisse des ressources en eau et nourriture et ce plus particulièrement en Afrique, Asie et dans les petites îles.
- la réduction de moitié des aires de répartition des espèces animales et végétales.
- l’impact sur la santé mondiale, en ce qui concerne la mortalité accrue, la dégradation de la qualité de l’air. Il s’agît également de la résurgence de maladies existantes comme le Choléra et apparition de nouvelles, augmentations du stress thermique.
C’est ainsi que près de la moitié de l’humanité, soit 3,3 à 3,6 milliards de personnes, vivent déjà “dans des contextes hautement vulnérables au changement climatique”.
Et ce n’est pas fini: un dépassement, même temporaire, de 1,5 degré de réchauffement du globe (l’objectif de neutralité carbone fixé fin 2015 par l’accord de Paris) aurait des nouvelles conséquences parfois “irréversibles”. Or, si rien n’est fait, le réchauffement pourrait atteindre à la fin du siècle 2,7°C. Et si on fait pire, attendre même 5°C et plus ! Avec des effets qui seraient alors dévastateurs dès 2025.
GIEC-Volume 2: Les objectifs climatiques à long terme
Le deuxième volume du sixième rapport du GIEC et donc aussitôt évoque les objectifs à long terme en matière de climat. Et il insiste sur la nécessité d’appuyer sur l’accélérateur en termes de moyens pour lutter contre le réchauffement. Or, les engagements pris lors de la Cop 26 à Glasgow, en novembre dernier, soit le doublement des budgets consacrés à ce sujet clé, n’ont pas été respectés. Tandis qu’en France, certaines ONG dénoncent le temps réduit consacré au sujet du réchauffement climatique (moins de 3%) pendant la campagne présidentielle.
Malgré tout, il est encore possible, et urgent, d’agir. Pour les politiques, mais aussi pour les entreprises et les particuliers, afin d’éviter la réalisation d’un scénario catastrophe.
Le GIEC appelle tout particulièrement à des efforts financiers ”colossaux et urgents” dans les trois domaines suivants:
- Transition énergétique et réduction du Co2.
- Meilleure gestion de l’eau et de l’irrigation et meilleure adaptation des cultures aux conditions climatiques.
- Préservation du milieu naturel, via la restauration des forêts et écosystèmes naturels, arrêt de l’urbanisation dans les zones côtières, végétalisation des villes…
Autant de points pour lesquels la filière Mode peut apporter sa contribution.
1) Réduction du Co2
La filière habillement représenterait entre 2 et 4% des émissions mondiales de Co2.
«De nombreux leviers peuvent être actionnés pour diminuer cet impact environnemental: qualité de l’approvisionnement matières, diminution des quantités produites pour éviter la surproduction, allongement de la durée de vie des produits (recours à la seconde main, à la location ou au recyclage), éco-conception…» Tiré de l’ouvrage “A la croisée des Mondes”.
Selon Arnaud Gauffier, responsable des programmes du WWF France, « l’objectif est de limiter le réchauffement climatique et continuer nos achats de vêtements neufs à 1kg par an et par personne. 1,5°C nécessiterait des efforts colossaux et urgents de modification des politiques publiques et de nos modes de vie. Pour aligner les émissions en Co2 de la France avec un objectif 1,5°C, il faudrait par exemple :
- abandonner les moteurs thermiques des voitures individuelles au plus vite ;
- renoncer aux liaisons aériennes internes ;
- limiter drastiquement les vols internationaux ;
- diviser par près de 3 notre consommation de viande individuelle ;
- engager des plans massifs de rénovation thermique. »
2) Optimisation de l’eau
Selon la Ellen MacArthur Foundation, 4% de l’eau potable disponible dans le monde est utilisée pour produire des vêtements. Et selon la Banque mondiale, 17 à 20% de la pollution de l’eau mondiale serait due à l’industrie textile. Là encore des solutions ont déjà commencé à émerger et doivent encore être trouvées: culture d’un coton moins gourmand en eau, délavage écologique (par exemple à l’ozone) du jean, évolution déjà drastique des normes de l’industrie textile européenne, fabrication de vêtements délivrant moins de microplastiques primaires lors de leur lavage, sources de pollution des océans…
3) Préservation du milieu naturel, végétalisation
La filière textile n’est pas toujours directement concernée. Mais via le mécénat en faveur de la cause verte, ou concrètement, dans nos villes et périphéries la végétalisation des surfaces de vente et centres commerciaux, j’en passe et des meilleurs, elle peut aussi agir.
En avril prochain, soit dans très peu de temps, sera publié le troisième volume du sixième rapport GIEC. Après le temps de la sensibilisation choc, il s’agira de faire le point sur les solutions à envisager pour réduire, à court terme, les émissions de gaz à effet de serre. Si la balle est d’abord dans le camp de nos politiques, la filière Mode peut aussi contribuer, par ses efforts incessants, à des avancées concrètes de cette cause vitale!
Sophie Bouhier de l'Ecluse
Journaliste indépendante
Spécialiste de la filière textile (ex rédactrice en chef adjointe du Journal du Textile), suit avec passion une filière qui ne cesse de se réinventer de façon…durable pour le bien de tous.