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Un passionnant article de Nadine Leviatto, Directrice de Recherche en Économie au CNRS, dans le n° spécial de la Tribune « Réindutrialiser la France » nous rappelle les chiffres suivants :
En 1975 âge d’or de la France industrielle, l’industrie représente 5,3 millions d’emplois soit ¼ des emplois et de la valeur.
En 2019 l’industrie ne représente plus que 2,8 millions d’emplois soit 10% et 10% de la valeur.
L’ouverture des frontières et la recherche du plus bas coût a « lessivé » l’industrie française.
Le Textile et l’habillement ont été bien sûr aux premier plan du désastre industriel.
De 2000 à 2020 l’industrie Mode Textile a perdu 2/3 de ses effectifs et la moitié de sa production
La période Covid a provoqué un sursaut et de nombreux discours sur la souveraineté indispensable.
Plusieurs programmes ont remis l’industrie dans les « radars mentaux » comme une composante indispensable de l’économie réelle, celle qui crée des emplois et de la consommation dans les villes, villages et zones rurales et assure une indépendance en cas de suspension des approvisionnements.
Des investissements ont eu lieu au sein des plans France 2030 à la suite du programme TERRITOIRES D’INDUSTRIE en 2018.
Le programme Territoires d’industrie continue sur 2023/2027 dans le cadre du projet de loi INDUSTRIE VERTE présenté par Bruno Lemaire et Christophe Bechu et voté le 11 Octobre 2023.
L’enjeu est maintenant Le suivant :
Faciliter l’implantation de nouvelles industries MAIS dans le cadre d’une ambition « Industrie verte » (créer de l’énergie décarbonée par exemple)
-Accompagner les industries existantes à diminuer leurs impacts et les Territoires à mettre en œuvre cette nouvelle donne industrielle.
-Flécher la commande publique vers les acteurs les plus vertueux
-Aider au financement indispensable (Sur les 170 milliards d’aides annuelles aux entreprises, quelle part va aller à cette industrie verte ?)
-Former aux métiers de l’industrie verte
En effet, plus personne, et surtout pas les jeunes, ne veut contribuer à la fabrication d’objets polluants ou fortement émetteurs de Gaz à effet de serre.
L’industrie doit se réinventer et séduire de nouveau, la réinvention via l’écologie est une bifurcation positive ainsi que l’écrit Pierre Veltz.
Comment réduire l’intensité d’usage de matières et d’énergie de la production textile et habillement ?
Il est évident que l’industrie doit travailler en réseau à la fois territorial (identifier, faire coopérer, accompagner ) en faisant travailler tous les acteurs de la chaîne de valeur, en incluant l’éco conception en amont (utilisation de matières recyclées, biomatériaux, nouveaux modes de fabrication économes ) et le recyclage à tous les stages (filature, tissage, confection…).
L’Ouest est l’une des régions traditionnelles textile axée sur la confection (notamment pour les marques de Luxe)
13000 personnes travaillent en Textile Confection ou maroquinerie, à plus de 50% pour le Luxe, dans 246 entreprises.
La Région Pays de la Loire et la Métropole de Nantes souhaitent intensifier cette « mise en cluster de transformation » sur l’innovation durable de la filière Mode Textile Chaussures.
MODE GRAND OUEST est le réseau clé des industriels et travaille depuis 1936 auprès de 110 adhérents industriels notamment via le Cluster MODINNOV qui traite les sujets innovation et RSE.
Les réseaux coopèrent et c’est la clé d’un avancement concret.
Fabriquer du textile ou des chaussures en France est encore une aventure complexe. Les marchés ciblés par les entreprises se sont adaptés aux coûts de produits (Luxe, produits techniques).
La digitalisation et l’automatisation de tâches difficiles ou répétitives doit permettre d’améliorer la productivité et la rapidité de production, et d’attirer des jeunes au sein des usines.
À l’autre bout du spectre, un artisanat de haute valeur peut se développer sur un segment luxe mondial. La montée soudaine des prix de l’énergie amène à revoir très rapidement les process industriels.
De nombreux acteurs testent de nouveaux modèles axés sur la re-transformation de ressources existantes (recyclage de textiles ou de déchets végétaux transformables en textiles) , et même la relance de cultures vertueuses comme le chanvre ou les algues.
De nouveaux modèles serviciels doivent consolider leur modèle économique (location, échange, seconde main…).
La région Pays de Loire et Nantes bénéficient d’un esprit engagé, collectif et innovant des petits acteurs comme des plus grands, la transformation est une ambition évidente dans la tête de tous.
Des acteurs anciens avancent vers cette industrie verte. Comme TDV et Mulliez Flory (un groupe familial de 200 ans) qui s’associent à un industriel très engagé de la Loire TISSAGES DE CHARLIEU pour bâtir RENAISSANCE TEXTILE une usine de recyclage de draps d’hôtels et hôpitaux. Ou comme GETEX qui lance sa marque SO&J et propose des manteaux et doudounes en tissus revalorisés et duvet de canards vendéens.
Depuis 2020, le Groupement de la fabrication Française qui réunit les confectionneurs travaille sur le déploiement d’une démarche RSE autour d’un label « LES ATELIERS ENGAGÉS » lancé en Mars 2022. Quatre entreprises sont labellisées : Macosa, Confection Flechoise, Textile du Maine et GETEX.
Le secteur de l’Économie sociale et solidaire prend également sa place dans ce cercle industrie verte car il est indispensable dans les opérations amont du recyclage : collecte, tri, delissage (retrait des points durs comme pressions et fermetures éclairs) ou l’aval via les ressourceries ou ateliers de réparation ou re-transformation de vêtements
Les entreprises de l’ESS sont animées par la CRESS et il est intéressant de voir toutes les sortes d’économies travailler ensemble pour bâtir un écosystème vivace et rapide en exécution, avec un même but.
Les Écoles se mobilisent depuis longtemps : Le lycée de la Mode de Cholet qui forme sur des équipements à la pointe, le centre de formation EMODE, AUDENCIA avec sa chaire IMPACT MODE, LISAA et l’Ecole de Design de Nantes
Tous ces acteurs industriels, marques, écoles seront présents aux Fashion Green Days Nantes les 16-17 novembre pour deux jours d’échanges pour produire encore davantage de projets collectifs.
Annick Jehanne
Présidente Fashion Green Hub France et Vice Présidente ANTL