Ecobalyse est un outil développé par l’Etat afin de calculer l’impact écologique des produits textiles et alimentaires distribués en France.
Alban Fournier, chef de projet Textile, nous explique comment la loi sur l’affichage environnemental a donné naissance à Ecobalyse, puis de l’aspect pédagogique et collaboratif de celui-ci.
L’origine d’Ecobalyse
Le 10 février 2020 est promulguée la loi AGEC visant la lutte contre le gaspillage et favorisant l’économie circulaire. Parmi ses dispositifs, elle propose la mise en place d’un affichage environnemental dans le textile et l’alimentaire à l’image de l’étiquette énergie pour l’électroménager qui permettra aux consommateurs de comprendre l’impact environnemental de leurs achats. L’affichage environnemental pour le textile n’est pour le moment pas obligatoire mais au stade de l’expérimentation.
C’est dans ce contexte d’expérimentation que l’État a donc décidé de monter une équipe au sein du Ministère de la Transition Ecologique (MTE) pour travailler sur ce sujet complexe et vaste. L’équipe Ecobalyse est composée de 7 personnes aux compétences variées (développement informatique, traitement de données, analyse de cycle de vie, gestion de projet).
L’objectif du projet est double :
- D’un côté, préparer la mise en place de l’affichage environnemental en expérimentant différentes méthodes de calcul et les formalités d’affichage.
- De l’autre, accompagner les différents acteurs impliqués dans le futur dispositif français d’affichage environnemental en proposant un outil pédagogique et gratuit.
Alban Fournier, en charge de la partie Textile, nous explique ce qu’est Ecobalyse et son intérêt pour les professionnels du Textile.
Un outil pédagogique
Ecobalyse est donc un outil de calcul avec une interface facile à prendre en main qui permet “d’estimer rapidement les impacts environnementaux d’un produit à partir de quelques critères simples : poids, composition, lieu d’assemblage, etc.” Il est pour le moment disponible en version Beta pour les deux secteurs prioritaires de l’affichage : l’Alimentaire et le Textile. Une V1 serait proposée d’ici la fin de l’année 2023 car plusieurs chantiers méthodologiques sont toujours en cours (choix d’unité fonctionnelle, plus grande disponibilité d’ingrédients/ matières, intégration de correctifs, etc…).
Une méthode à finaliser d’ici la fin de l’année
Pour construire cet outil, il a d’abord fallu repartir en 2021 des référentiels et bases de données publics existants :
- pour l’Alimentaire : la base de données Agribalyse,
- pour le Textile : la base Impacts.
Dès lors, de nombreux travaux sont menés avec les parties prenantes afin de :
1 – enrichir les règles de calcul (Product Category Rules),
2 – rendre intelligible la méthode via une base documentaire en ligne complète et des interfaces utilisateur accessibles (formulaire de calcul + API ouverte),
3 – permettre aux marques de tester la méthode en construction en calculant l’impact environnemental de leurs produits
4 – identifier les limites des données utilisées.
L’objectif de la fin d’année 2023 est de finaliser une proposition de méthode et de réunir la filière Textile afin de présenter cette V1. Les acteurs de la filière pourront alors “jouer” avec le calculateur et nous faire part de leurs retours afin d’enrichir et finaliser le cadre méthodologique.
Il est à noter que ces travaux méthodologiques sont menés en lien avec ceux du référentiel européen PEF (Product Environmental Footprint). Des échanges réguliers ont lieu entre nous afin de s’aligner au maximum bien que le référentiel européen ne sera pas finalisé avant 2025. Cette différence de calendrier explique notamment le fait que nous n’hésitons pas à apporter des correctifs méthodologiques sur certaines parties du cycle de vie des vêtements (ex : l’impact des microplastiques n’est pas encore intégré dans le référentiel européen; nous travaillons sur un tel correctif).
De manière plus générale, je n’hésite pas à définir Ecobalyse et la méthode en construction comme un Commun Numérique. L’ensemble de travaux sont menés en open source, autour d’une communauté composée de nombreux acteurs (cf. partie suivante) et ont une vocation pédagogique. Toute acteur souhaitant mieux appréhender et/ou enrichir le dispositif d’affichage environnemental peut se rendre sur l’outil Ecobalyse et accéder au code-source, à une documentation riche et à différents points de contacts pour partager ses remarques et contributions. Ce mode de fonctionnement est riche et apporte régulièrement de la satisfaction au sein de l’équipe. Une illustration récente est la contribution d’une startup française spécialisée dans la Traçabilité de la filière Textile. Cette dernière nous a proposé différentes configurations d’articles de lingerie afin de faciliter l’intégration de cette catégorie dans le calculateur.
Un outil collaboratif
Ecobalyse a aussi une autre force : la collaboration. En effet, la méthodologie de recherche a été faite en partenariat avec la communauté scientifique, le monde universitaire, mais aussi et surtout le retour des industriels qui contribuent et testent la méthode en construction.
Sur le Textile, j’échange par exemple toutes les semaines avec différents acteurs de la chaîne de valeur sur différents sujets (meilleure connaissance des réalités industrielles, collecte de données métier, partage sur des paramètres introduits sur la méthode, etc.). Ces échanges sont l’occasion de rendre la méthode plus robuste, d’enrichir l’interface utilisateur et de corriger certains bugs.
Toujours en lien avec l’industrie et à l’initiative de l’ADEME, 11 méthodes (projets Xtex) ont été proposées par différents acteurs en 2021 et 2022 tels que Decathlon, le groupe Beaumanoir, la startup FairlyMade, le collectif en Mode Climat, etc. Ces contributions ont permis différents échanges très riches entre les équipes en charge de la construction du dispositif (Ministère de la Transition Écologique, ADEME, Ecobalyse) et les porteurs de méthode. Différents tests sur un panel de produits communs ont par ailleurs été mis en place (cf. illustration de résultats ci-dessous) permettant à tous de s’impliquer dans le projet et de proposer des enrichissements méthodologiques par rapport aux référentiels existants. Il fut intéressant de constater que, pour le secteur Textile, des avis divergents et tranchés sont apparus sur le référentiel sectoriel européen Textile (PEFCR Apparel & Footwear) en cours de construction.
Un comité scientifique a par ailleurs été mis en place dans le cadre de la construction de la méthode Textile afin de prendre en compte le retour d’acteurs institutionnels de premier plan. Nous réunissons ce comité une fois par mois et convions des invités selon l’ordre du jour. Les membres permanents de ce comité sont l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), l’ADEME, le Ministère de la Transition Écologique (MTE), l’Ecole Nationale Supérieure Des Arts Et Industries Textiles (ENSAIT), l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH), le centre européen de recherche Joint Research Center (JRC), ainsi que le représentant du secrétariat technique du PEFCR Apparel & Footwear.
Cette dimension collaborative va de pair avec une démarche “test and learn” qui permet d’itérer plus rapidement et de faciliter les retours utilisateur. Alban Fournier nous explique par ailleurs que le projet étant financé par le Ministère de la Transition Ecologique (MTE), il n’a pas d’objectif de rentabilité financière mais plutôt une vocation de servir à la collectivité. Cela permet notamment de prendre en compte les contributions d’acteurs aux avis parfois divergents. Il permet d’éviter de prendre parti pour tel ou tel méthode. Tous les retours sont écoutés afin de trouver les meilleures solutions. C’est ce que certains appellent une star-up d’état ! L’innovation et l’entre-aide sont donc au cœur du projet.
Si vous avez envie d’en apprendre encore plus sur cette méthodologie et vous aussi rentrer au cœur de ce projet, vous pourrez lors des Fashion Tech Days de Lyon sur le thème » Performance Durable : Mode, sport et textile » le 19 et 20 septembre assister à l’intervention d’Alban Fournier lors de la table ronde autour de la thématique “Mesurer la mode pour connaître et travailler son impact”.
Louise CAISSARD
Styliste
Styliste éthique et éco-responsable, j’aide les marques de mode éthique et engagée à se lancer pour que demain la mode éthique ne soit plus une niche mais une norme !
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