Les débuts d’une prise de conscience

Les enjeux sociétaux et environnementaux font plus que jamais partie des enjeux stratégiques portés par les entreprises.

La prise de conscience des acteurs de l’économie de la nécessité d’embrasser les enjeux écologiques au sein même des entreprises. Elle a débuté grâce notamment à la conclusion, en 2015, de l’Accord de Paris sur le climat.

Puis dès mars 2017, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a imposé à certaines entreprises une obligation de vigilance sur l’activité de leur sous-traitants, fournisseurs, filiales, etc. en vue de s’assurer du respect de certains droits essentiels (tels que les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement).

Mais, c’est probablement 2019 qui sera l’année du véritable tournant pour que les entreprises se structurent autour des enjeux écologiques.

En effet, 2019, c’est l’année:

Rapport Spécial du GIEC réchauffement planétaire
  • où le Manifeste pour un réveil écologique propose aux étudiants et jeunes diplômés une plateforme leur permettant d’analyser «le sérieux de l’engagement dans la transition écologique de son futur employeur». Ceci impose la question écologique comme un marqueur fort de l’attractivité des entreprises aux yeux des jeunes.
  • de la publication du Rapport Spécial du GIEC Réchauffement à 1,5°C et des mégafeux en Australie, qui nous confrontent à la réalité du changement climatique.
  • de la loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation de l’Entreprise). Cette loi consacre dans le code civil, l’obligation de prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux par l’entreprise et crée la faculté de se doter d’une raison d’être ou de prendre la qualité de société à mission.

loi-pacte

La loi PACTE et la loi sur le devoir de vigilance

Désormais grâce à la loi PACTE et à cette nouvelle obligation, la prise de décision des dirigeants d’entreprises est également influencée par les questions environnementales. Cela suppose cependant la mise en place d’une gouvernance adaptée et des actions de sensibilisation et de formation des dirigeants et des salariés pour que cette obligation soit effective.

Outre cela, la loi prévoit que les entreprises ont la possibilité d’adopter la qualité de «société à mission», soit lors de la création de l’entreprise soit au cours de la vie de l’entreprise. Ce choix fait l’objet d’une déclaration au greffe du tribunal de commerce.

Les entreprises qui font ce choix précisent dans leurs statuts une raison d’être, à savoir les principes dont la société se dote et pour lesquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité.

  • Les statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que l’entreprise se donne afin de poursuivre sa mission.
  • Un comité de mission est désigné pour suivre et contrôler la mission (pour les entreprises de moins de 50 salariés, un référent de mission suffit). Son rôle est de suivre et d’évaluer la bonne exécution de la mission. Il présente annuellement à l’assemblée générale un rapport qui est joint au rapport de gestion.
  • Un organisme tiers indépendant vérifie la bonne exécution des objectifs sociaux et environnementaux. Cette vérification se fait tous les deux ans sauf pour les entreprises de moins de 50 salariés (3 ans). La première étant faite dans les 18 mois suivant la déclaration au registre du commerce et des sociétés (24 mois pour les sociétés de moins de 50 salariés).

Un rapport de mission est établi et atteste de la réalisation de la mission en vérifiant l’atteinte des objectifs opérationnels, les moyens mis en œuvre pour les atteindre, et les circonstances internes ou externes dans lesquelles l’entreprise aura évolué.

Ce dispositif légal reste toutefois une démarche volontaire de l’entreprise. Cependant, si elle l’adopte, ces engagements deviennent vérifiables et opposables.

Si l’organisme tiers indépendant considère que tout ou partie des objectifs définis n’est pas suivi, une procédure de retrait de la qualité de société à mission peut être engagée auprès du président du tribunal de commerce compétent.

Des premiers résultats

Quelques chiffres:

Si 2019 a vu la création de 7 sociétés à mission, elles sont désormais 581 (au 14 mars 2022).

Elles sont 15 dans l’industrie textile.

Ce chiffre peut paraître faible au regard des enjeux. Il n’est cependant pas représentatif des engagements des entreprises, qui intègrent de plus en plus les enjeux écologiques au cœur de la stratégie de leur entreprise.

Ce mouvement des entreprises est accompagné ou impulsé par des textes. Depuis quelques années, ils soulignent l’importance des enjeux écologiques et obligent les acteurs à évaluer l’impact écologique de leurs activités.

Vers plus de législation européenne 

Outre la loi sur le devoir de vigilance et la loi PACTE, la France a transposé, en 2017 dans son droit national, la directive européenne sur la déclaration de performance extra-financière (DPEF). La loi instaure l’obligation de publier des informations sur ses parties prenantes mais également sur la santé et la sécurité des consommateurs.

En juin 2020, les institutions européennes ont adopté un règlement définissant une taxonomie verte. Ce règlement européen établit un système de classification unifié des activités économiques. Il est entré partiellement en vigueur au 1er janvier 2022, puis le sera pleinement en 2023. Celui-ci détermine si ces activités peuvent être considérées comme «durables sur le plan environnemental». Les principaux acteurs économiques – financiers et non financiers – doivent, dès lors, rendre compte de la proportion de leurs activités «vertes».

L’ensemble de ces initiatives nationales ou européennes permettent d’ancrer la prise de conscience de l’entreprise au regard de l’enjeu environnemental.

Sur le plan des sanctions, c’est pour l’essentiel, la loi sur la vigilance des entreprises de 2017, obligeant les entreprises concernées à établir un plan de vigilance des entités relevant de leur sphère d’influence (sous-traitants, fournisseurs, filiales, etc…), qui prévoit un dispositif de sanction.

Ainsi, si une entreprise ne parvient pas à établir, publier ou mettre en œuvre de façon effective un plan de vigilance, toute personne ayant un intérêt à agir (une association de défense des droits humains ou de l’environnement) a la faculté de la mettre en demeure de respecter ses obligations.

Si l’entreprise persiste à ne pas respecter ses obligations à l’issue d’une période de trois mois à compter de la mise en demeure, le juge pourra la condamner à s’exécuter, le cas échéant sous astreinte.

La responsabilité civile de l’entreprise peut également être engagée en cas de manquement à ses obligations (absence de plan de vigilance, absence de publication dudit plan ou défaillances dans sa mise en œuvre). Le juge pourra alors condamner la société à des dommages et intérêts. Il incombe cependant à la partie s’estimant victime de prouver l’existence du dommage, la faute de l’entreprise et le lien de causalité entre la faute et le dommage.

Pour autant, la loi ayant créé une obligation de moyens, et non de résultats, si une société met en œuvre un plan de vigilance conforme en termes de contenu, sa responsabilité ne devrait pas être engagée même en cas de réalisation d’un dommage.

Au-delà des sanctions pécuniaires, l’entreprise a tout intérêt à engager sa transformation sociétale et environnementale pour éviter des répercussions sur son chiffre d’affaires liées à la réalisation d’un risque d’image.

Elisabeth Da Cruz

Elisabeth Da Cruz

Après plus de 20 années passées au sein de plusieurs grands groupes français, où elle occupait des postes de juriste, Directrice juridique et Directrice des Ressources Humaines Adjointe, Elisabeth da Cruz fait le choix de s’orienter vers une carrière d’entrepreneuse dans le domaine de la mode durable.

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