

Chère Clélia, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous présenter votre parcours?
Je suis Responsable Méthodologie & Expertise chez Clear Fashion depuis un peu plus d’un an. J’ai une formation d’ingénieure agronome avec une spécialisation en sciences de l’environnement. En sortie d’études, j’ai travaillé dans le secteur du luxe où j’ai été chargée de projets RSE. J’ai participé à la structuration de filières d’approvisionnement de matériaux pour l’ameublement, puis de recyclage des articles de mode. Ça a été deux expériences très riches. Elles m’ont appris beaucoup sur ce secteur, qui m’était inconnu jusqu’alors. En ce qui concerne la production de matières premières dans les cultures ou les élevages ce n’était pas le cas. J’ai eu l’occasion d’aller à la rencontre de nombreux acteurs, tout au long de la filière: filateurs, tisseurs, tanneurs, couturiers, modélistes, etc.
Ces belles opportunités m’ont donné les clés pour comprendre les enjeux environnementaux et sociaux des différentes étapes de production d’un vêtement ou d’une chaussure.
J’ai ensuite eu envie de mettre à profit toutes ces connaissances au service d’un projet avec un impact plus important. J’ai donc rejoint Clear Fashion.
Pouvez-vous nous expliquer plus précisément votre rôle au sein de Clear Fashion?
Le Pôle Méthodologie de Clear Fashion est celui qui est garant de nos méthodes d’évaluation. Nous sommes en charge de la veille, des échanges avec les experts et de la R&D. Nous assurer que notre grille d’évaluation est toujours adaptée à l’état d’avancement du secteur. Le but: être suffisamment exigeante pour tirer le secteur vers le haut. Les sujets sont vastes et passionnants!
Tout ce travail de recherche et ces échanges nous permettent également de développer notre expertise sur le secteur. Mon rôle et celui de mon équipe est également de valoriser et de partager notre expertise afin d’apporter des clés de lecture aux marques et aux consommateurs.
Quelle est la mission de Clear Fashion?
“Clear Fashion est une méthodologie d’évaluation et d’information indépendante qui permet de fédérer les consommateurs, les marques et les institutions afin d’emmener le secteur de la mode vers plus de transparence et de responsabilité.”
Notre mission est de permettre la lecture claire d’une information compliquée par l’opacité du secteur de la mode. Ceci pour aider les consommateurs à faire des achats plus responsables, à découvrir de nouvelles marques en accord avec leurs valeurs et à lutter contre le greenwashing.

Sans trahir aucun secret, comment se déroule une évaluation chez Clear Fashion?
Notre évaluation, que ce soit au niveau marque ou au niveau produit, se fait grâce à un formulaire très complet qui comporte plus de 150 questions. Elles s’organisent autour de 4 thématiques que nous couvrons pour évaluer l’impact des pratiques d’une marque : Environnement, Humain, Santé et Animaux. La marque remplit ce formulaire à partir des informations internes et de l’accompagnement de notre équipe Opérations.
Une fois celui-ci remplit, c’est l’équipe Opérations qui prend la suite pour vérifier la cohérence des informations apportées: est-ce que les réponses sont cohérentes entre elles? Est-ce que les justificatifs sont cohérents avec les réponses apportées?
Une fois la relecture validée, nous procédons au calcul de score et à l’intégration des informations dans nos supports de communication pour qu’elles soient visibles par les consommateurs. Ces informations ne sont pas figées puisque les marques peuvent revenir vers nous à tout moment pour les mettre à jour.

À la question, la matière zéro impact existe-t-elle, que répondriez-vous?
Au vu de l’étendue du terme “impact” – nous avons tout de même 150 critères pour qualifier l’impact – je dirais que, si on considère le cycle de vie complet d’une matière, il n’est pas possible de la produire, de la consommer et de s’en “débarrasser” parfaitement. Il est donc scientifiquement compliqué de dire que “la matière zéro impact” existe.
Il est en revanche possible de trouver des moyens de limiter son impact en jouant sur certains des nombreux leviers qui touchent à la vie d’une matière.
Oui, comment par exemple, pourriez-vous développer?
Les pistes de réflexion que je donne ici ne sont pas en lien avec l’écoconception. Ce n’est pas mon métier, certains auront de bien meilleurs exemples que moi. Les leviers que je peux vous présenter sont ceux que nous avons identifiés comme certains des éléments les plus impactants, au regard des analyses que nous avons faites et des experts que nous avons consultés.
- Avoir un modèle de production raisonné: faire en sorte de proposer des produits de qualité, qui seront portés longtemps. La « durabilité » est le dénominateur de l’impact : plus un vêtement sera porté longtemps, plus il sera « responsable ».
- Connaître ses chaînes de production: c’est dans la connaissance que réside le pouvoir. La traçabilité permet inévitablement de cartographier les risques associés à ses matières, et permet donc également de les atténuer.
- Et d’une manière générale: s’intéresser aux matières qu’on utilise, se poser des questions sur ces matières. “Il n’y a malheureusement pas de solution universelle, et c’est en connaissant bien ce avec quoi on travaille ou on souhaite travailler qu’on pourra trouver des pistes d’amélioration spécifiques.”
Concernant les retours clients, avez-vous observé un changement de comportement face à la consommation? Avez-vous des chiffres peut-être?
Nous avons réalisé un bilan d’impact un an après le lancement de Clear Fashion et les résultats étaient encourageants. Clear Fashion démocratise l’accès à l’information pour une mode plus responsable, influençant l’opinion des utilisateurs sur certaines marques. En effet, ces derniers utilisent les notes comme repère pour réaliser un acte d’achat plus responsable.
Nous travaillons à la réalisation d’un nouveau Bilan d’Impact que nous partagerons prochainement.
Quels sont les next step?
Nous prévoyons le développement de Clear Fashion à l’international à l’horizon 2023.
Pour (re)voir l’intervention de Clélia Dupont-Icart lors des Fashion Green Days “Mode & Vivant”, c’est ici.

Anne Vogt-Bordure
Fondatrice & Curatrice de La Suite Jenny Sacerdote
www.jennysacerdote.com
@jennysacerdote
#femmejenniale