La matière suscite une attention particulière quand on parle mode durable et éco-conception. Où en sont les consommateurs sur ce sujet? Quels rapports entretiennent-ils à la matière? Dans quelle mesure leurs perceptions impactent leurs décisions d’achat et leurs pratiques?

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Maud Herbert et Isabelle Robert sont enseignantes chercheuses à l’IAE de Lille. Maud est experte en marketing & sociologie de la consommation, Isabelle est experte des liens entre consommation et développement durable. Elles sont les cofondatrices de la chaire Tex&Care dédiée à la compréhension pluridisciplinaire de ce qu’est la mode circulaire.

La chaire dispose d’un observatoire et a construit un panel de 1000 personnes pour recueillir des données quantitatives. Une vague vient d’être consacrée à la compréhension du rapport des consommateurs à la matière et à leurs pratiques. Maud et Isabelle nous livrent quelques enseignements clés de cette étude.

Quel est le degré de connaissance des consommateurs sur les matières textiles?

Cette connaissance est à ce jour sans surprise «superficielle». Une frange des répondants a «une vague idée», l’autre une «perception moyenne» de la composition des vêtements et des caractéristiques des matières.

Et les labels les aident peu à être plus éclairés à ce jour. À titre d’exemple, Oeko Tex, un des labels les plus courants, est encore peu voire pas connu des consommateurs.

Quelles sont les marques d’intérêt des consommateurs pour les matières?

64% des répondants du panel déclarent accorder de l’importance à la composition de leurs vêtements.

Le 1er critère d’intérêt pour la matière est le confort, jugé important pour 84% des répondants, particulièrement chez les + de 55 ans. 

Vient ensuite la durabilité de la matière. Puis la texture, liée au toucher, à relier au confort finalement. La facilité d’entretien arrive au 4ème rang de ces critères d’intérêt, citée par 73% des répondants.

On trouvera ensuite la condition animale à 65% -qui constitue une «longue traîne» nous explique Maud alimentée par l’activisme et le militantisme de certaines associations-, comprendre la matière que l’on met sur la peau à 61%, mais aussi l’origine du pays de fabrication, l’origine géographique de la fibre mise en œuvre, puis l’impact environnemental.

L’intérêt du consommateur pour les matières se nourrit donc prioritairement d’un rapport très individuel à la matière. Il est lié à des attributs, le confort, la douceur, et non à des matières emblématiques en particulier. Les considérations RSE sont présentes en filigrane, révélatrices de sa prise de conscience.

Dans quelle mesure ce rapport aux matières influence-t-il l’achat des vêtements?

Les premiers critères d’achat des vêtements déclarés par le panel sont:

  1. La qualité pour 88% des répondants.
  2. Ex aequo avec le prix.
  3. Le design et le style pour 84%.
  4. La composition des matières citée par 59% des répondants.
  5. La marque pour 44%.
  6. Le lieu et l’origine géographique pour 43% des répondants.
  7. La présence de labels pour 28%.

Mais n’y a-t-il pas un lien à établir entre le 1er critère d’achat qui est la qualité et les matières? Car les consommateurs nous disent dans ce panel que leurs premières attentes dans leur rapport à la matière sont des attributs de qualité comme le confort, la durabilité. Le fait que le confort arrive en bonne place dans les déclarations montre que les consommateurs continuent à avoir un rapport organoleptique aux matières.

On pourra retenir qu’il y a les critères d’achat qui constituent le socle de la contrepartie très individuelle à un achat finalement.  Ils recueillent le suffrage de plus de 80% des répondants et constituent des contrats de base que l’on peut d’ailleurs retrouver de manière transversale à d’autres univers que la mode: la qualité, le prix, le design.

Quand la place des critères environnementaux et sociaux montre qu’il y a une prise de conscience des consommateurs en cours, et que «nous sommes à la croisée des chemins» sur ces critères nous dit Isabelle.

Il faut dire que l’appréciation de l’impact de ces critères est complexe et que nous sommes en permanence soumis à des «négociations avec nous-mêmes» comme le mentionne Maud.

 

Comment faire progresser la connaissance des matières et mieux engager les consommateurs?

Maud et Isabelle soulignent le rôle que peuvent jouer la technologie à travers l’usage des applications. Par exemple, les réglementations comme l’affichage environnemental avec la limite de son angle de vue «restreint» à l’environnement.

On touche là aux difficultés de rationaliser les approches RSE, et de concilier impact environnemental et impact social. Quels sont les bons produits? quelles sont les bonnes pratiques?

Elles soulignent aussi que «l’hédonisme autour du shopping n’aide pas forcément à faire une pédagogie rationnelle». À titre d’illustration: moins de 1 répondant sur 5 regarde les étiquettes avant l’achat, et plutôt pour y chercher des informations sur l’entretien, on passe à 1 sur 3 pour les achats en ligne.

L’accent sur les pratiques est un angle que Maud et Isabelle défendent pour mobiliser l’intérêt des consommateurs pour les matières et les engager. Puisqu’ils valorisent la durabilité, elles s’accordent à dire que l’entretien des vêtements pourrait être une «entrée cognitive pertinente pour les consommateurs». «Cela permettrait de faire prendre conscience aux consommateurs de ce qu’est la matière et de ce que sont ses propriétés.»

Cette étude met également à jour que le consommateur est bien conscient de ce qu’il peut faire à son échelle pour changer la mode. Puisqu’à la question que faire pour réduire l’impact RSE de mes achats, il répond:

  1. acheter des vêtements de meilleure qualité,
  2. acheter des vêtements moins démodables,
  3. en prendre soin
  4. acheter du Made in France.

Autant d’actions qui l’engagent, qui peuvent restructurer les marchés par ses actes d’achat. Pour autant qu’il trouve la bonne offre. La balle est aussi dans le camp des marques et des fabricants…

Retrouvez les informations diffusées par la chaire Tex&Care sur la page linkedin.

(Re)découvrir le talk sur le sujet de Maud Herbert et Isabelle Robert lors des Fashion Green Days “Mode & Vivant”. Replay disponible ici!

Caroline Muller

Caroline Muller

Marketeuse & business développeuse

Engagée dans le mieux produire pour mieux consommer.

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