©CNC – P&M
Le Conseil National du Cuir (CNC) est une confédération qui regroupe 21 fédérations et syndicats professionnels de la filière cuir, depuis l’élevage jusqu’à la distribution des produits finis, en passant par le secteur industriel qui comprend la tannerie, la maroquinerie, la chaussure, la ganterie…
Le CNC a pour rôle d’animer l’ensemble de la Filière Française du Cuir et représente une activité en France qui est importante:
- Près de 13.000 entreprises
- 133 000 emplois sur l’ensemble de la filière
- Depuis la collecte de la peau, c’est 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 15 milliards d’euros à l’export
- La France est le 4ème acteur mondial du cuir.
Pour mieux connaître le CNC, nous avons interviewé son Président, M. Frank BOEHLY.
Quels sont votre mission et vos objectifs pour la filière cuir?
Frank BOEHLY: Nous avons deux missions essentielles:
- Tout d’abord, une mission de lobbying, et donc de défense de l’ensemble de nos métiers et savoir-faire auprès des pouvoirs publics. Le CNC est en contact avec les cabinets ministériels, ministres et parlementaires dans le cadre de l’actualité réglementaire et de préparation de lois. Notre rôle ici est de les éclairer sur les impacts de réglementations à venir et en quoi ceux-ci peuvent être positifs ou négatifs.
- L’autre mission essentielle est la communication: via des communiqués et conférences de presse, interventions, événements, salons, auxquels nous participons ou que nous organisons.
Notre objectif est de faire connaître nos métiers, faire en sorte que la filière ait une image positive vis-à-vis du grand public.
GDH: Parlez-nous des défis de la filière du cuir.
Frank BOEHLY: Nous faisons face à 3 grands défis
Les défis de CNC
Le 1er est l’image du cuir et l’appellation «cuir»
Il émerge depuis un certain nombre d’année des matériaux, se qualifiant de «cuir vegan». Les marques qui communiquent sur ces matériaux en les comparant au cuir de manière inappropriée, se disant plus vertueuses et dénigrant la matière «cuir».
Nous défendons l’appellation cuir, protégée par un décret de 2010, qui stipule que le cuir est un matériau d’origine animale. Dès lors, parler de «cuir vegan», c’est non seulement un oxymore, mais c’est aussi un délit. Cette terminologie est pourtant très utilisée pour qualifier en réalité des matériaux contenant des matières synthétiques. Cette communication étant massivement reprise dans les médias, c’est un sujet pour les entreprises de la filière cuir. Or, le consommateur ne doit pas être induit en erreur. Il est également nécessaire d’être transparent sur la réalité de ce que sont ces matériaux émergents et notamment sur leur impact environnemental.
©CNC – P&M
Le 2ème est la bientraitance animale
Évidemment, le CNC est attentif à ce sujet.
Nous nous sommes donc engagés sur la bientraitance animale et donc sur les conditions d’hygiène, d’alimentation et de transport de l’animal. Ces éléments mesurables permettent d’assurer que l’animal est bien traité.
Si ces cas existent, et il ne faut pas le nier, ils sont heureusement rares, et le CNC est attentif à éviter que ces exceptions ne soient considérées comme une généralité. En effet, la bientraitance animale, en évitant les blessures, les piqûres et les maladies, améliore la qualité de la peau, et donc la qualité du produit fini.
Rappelons, qu’en Europe, on élève les animaux pour nourrir la population (pour la viande ou le lait et non pour la peau): la peau ne représente que 5% de la valeur d’un animal.
Il faut donc élever l’animal dans de bonnes conditions: pour que à la fois la viande et la peau soient de bonne qualité.
Le 3ème est l’enjeu lié à la RSE
1) En assurant la traçabilité du cuir
En effet, celle-ci est un axe important pour la filière du cuir car elle permet de connaître l’origine du produit fini qui sera proposé au consommateur et d’identifier ainsi les filières vertueuses.
Le cuir est un marché mondial et donc complexe. Tous les acteurs ne sont pas soumis aux mêmes contraintes ni règles (que ce soit les conditions d’élevage, de tannage ou la phase de production).
Or, la France a mis au point un système de traçabilité qui consiste dans le marquage laser automatique de la peau, en sortie d’abattoir, du code barre de l’animal, associé à un lecteur optique en tannerie.
Ce système permet de recueillir des données sur l’origine de la peau de chaque animal. Le tanneur sait alors identifier d’où vient la peau: si elle a des défauts, on sait où les conditions d’élevage sont bonnes et moins bonnes.
Cette innovation française est une 1ère mondiale: notre souhait est de la voir se développer en Europe (d’abord Italie) puis dans les autres pays.
Cela permettra d’identifier les pays vertueux auprès desquels il conviendrait de s’approvisionner.
©Michel Dartenset
2) En travaillant la durée de vie des produits
Les produits du cuir sont de qualité, ils ont une durée de vie longue (sur une génération voire plusieurs générations), ce qui de fait, en réduit l’impact environnemental de manière spectaculaire.
Leur réparabilité et le marché de la seconde main permettent d’augmenter encore la durée de vie des produits en cuir. De nouveaux acteurs permettent ainsi de leur donner une nouvelle vie: à titre d’exemple plus de 60% des articles proposés par Vestiaire Collective (start up valorisée à 1 milliard d’euros) sont en cuir (sacs, vêtements, chaussures, ceintures…).
La location également se développe comme le fait par exemple l’enseigne traditionnelle Bocage avec la chaussure.
Toutes ces nouvelles formes de consommation et d’usage avec, en toile de fond, des consommateurs qui ont une véritable conscience écologique, permettent aussi bien aux acteurs traditionnels, qu’à de nouveaux acteurs d’agir et à d’autres métiers, comme les cordonniers, de renaître.
©AOCDTF – Sarah Mineraud
Pouvez-vous nous dire quelques mots de votre événement à venir en septembre, “Sustainable Leather Forum”, dont c’est la 4ème édition?
Frank BOEHLY: En effet, il s’agit de notre événement phare, qui a l’ambition de s’adresser à un public international. Malgré la crise sanitaire, tous les évènements se sont tenus y compris en 2020 et 2021. C’est 10 à 15 pays, de tous les continents, qui y participent, comme le Brésil ou l’Australie. Ce forum est le seul en France ayant une aura internationale pour ce secteur d’activité.
Cette manifestation vise 2 cibles:
Cible 1 : Nos industriels
Avec pour objectif de leur montrer que la RSE ce n’est pas si compliquée et qu’ils le font de manière naturelle.
Tout d’abord, en respectant la loi notamment la loi sociale, très protectrice en France, ou la réglementation de l’Union européenne REACH adoptée pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques. Et d’autres encore.
Ensuite, des entreprises viennent témoigner : elles expliquent ce qu’elles font et partagent leurs bonnes pratiques.
Notre approche est médiane: nous ne prônons ni le changement radical, qui pourrait décourager, ni le greenwashing. Nous disons à nos entreprises que, en effet, cela demande des efforts, de l’engagement et du travail, mais que ce n’est pas si difficile. Le témoignage d’autres entreprises, qui le font, et pas seulement des grandes entreprises du luxe, mais également des PME et TPE, rend l’enjeu accessible.
Cible 2 : La presse
Elle peut ainsi voir ce que nous faisons, grâce au témoignage des entreprises qui montrent leurs réalisations. Et donc via la presse, nous nous adressons au grand public.
Notre prochain forum abordera les thèmes suivants :
- La chimie du cuir: les produits chimiques et les métiers de la chimie pour transformer la peau en cuir,
- Le cuir pour l’automobile,
- Les matériaux souples, tels que le coton ou le lin,
- La traçabilité.
Pour mieux comprendre les défis de la filière cuir et découvrir les solutions et innovations qu’elle met en place, retrouvez ici l’intervention du CNC. L’entreprise a pu intervenir le 8 avril 2022 au Fashion Green Days Mode & Vivant.
Elisabeth da Cruz
Après plus de 20 années passées au sein de plusieurs grands groupes français, où elle occupait des postes de juriste, Directrice juridique et Directrice des Ressources Humaines Adjointe, Elisabeth da Cruz fait le choix de s’orienter vers une carrière d’entrepreneuse dans le domaine de la mode durable.