
Le made in France a le vent en poupe, c’est devenu un argument de vente prisé par les consommateurs. 64% des Français consommeraient davantage de produits made in France selon une étude OpinionWay (mai 2021).
On voit fleurir du made in France un peu partout. Quand ce n’est pas un pictogramme made in France, produit en France, transformé en France, produit français, c’est un drapeau bleu blanc rouge qui se glisse sur les emballages et étiquettes.
Mais acheter un produit «made in France», cela veut dire quoi exactement?
Ce que dit le Code des Douanes
C’est le Code des Douanes qui définit réglementairement les mentions «Fabriqué en France» ou «made in France» qui doivent répondre à 2 critères:
- La dernière étape de «transformation substantielle» du produit doit être réalisée en France.
- 45% du prix de revient unitaire du produit doit être acquis en France.
Un exemple dans le textile? Un chemisier confectionné en France avec un tissu importé pourra porter la mention «made in France» si par ailleurs 45% du prix de revient final est acquis en France. En revanche un chemisier confectionné en Italie avec un tissu made in France lui ne pourra pas l’être. En effet, puisque la dernière étape de transformation substantielle qu’est la confection n’a pas lieu en France.
Entre une définition qui peut toujours être sujette à petits arrangements et le déficit de contrôles de la DGCCRF pour encadrer les pratiques, on comprendra que le made in France washing, franco washing ou franco lavage a de l’espace pour s’exprimer…
Cela pose 2 questions pour le consommateur: comment se fier à la communication? Et que mettre réellement derrière le made in France?
Les certifications et labels pour pallier les limites du Code des Douanes
C’est pour mettre plus d’exigence et de précision derrière le made in France et favoriser une communication fiabilisée que sont nés plusieurs labels et certifications.
Petit tour d’horizon de trois d’entre eux à travers un échange avec les personnes passionnées. Toutes issue de ou passées par la filière textile, elles représentent bien le domaine. Et s’il est un secteur où on sait la valeur du made in France, c’est bien le textile.

France Terre Textile: le fabriqué en France garanti au-delà de la dernière étape de fabrication
La création du label Vosges Terre Textile
Jules Petras nous parle avec force des engagements de France Terre Textile, né avec la création du label Vosges Terre Textile en 2011 alors que les effets des délocalisations dans le textile se font durement sentir.
À la genèse de ce label certifié, il y a un double constat. Le textile vosgien est réputé et bénéficie d’un savoir-faire sur toute la chaîne de valeur de l’amont à l’aval. Un certain nombre d’acteurs surfent sur des abus d’allégations pour bénéficier de l’aura du made in France.
D’où la création de Vosges Terre Textile, créé au départ «par des industriels pour des industriels» pour défendre un savoir-faire et se défendre contre le franco lavage.
Avec un déploiement dans toute la France
Le label a par la suite essaimé dans 4 autres territoires de tradition textile en France (Alsace, Auvergne Rhône Alpes, Nord, Troyes Champagne) et tous se retrouvent sous la bannière France Terre Textile.
«Le but est d’être comme une AOC qui protège une production locale, du travail en circuit court sur des bassins avec un savoir-faire textile.»
France Terre Textile est reconnu par la DGE et les douanes, et va beaucoup plus loin dans sa définition du made in France que le Code des Douanes:
- Au moins 75% des opérations doivent être réalisées en France de la fabrication du tissu à la confection. Dans notre exemple du chemisier, pour être labellisé France Terre Textile il faut qu’il soit confectionné en France avec un tissu fabriqué en France et que les ¾ des opérations sur toute la chaîne de valeur soient réalisées en France.
- Sachant qu’il existe deux niveaux de certifications : un pour les sites de production avec renouvellement de la certification tous les trois ans, un pour les produits avec renouvellement de la certification tous les ans, des certifications menées via des organismes tiers référents sur leur marché.
Aujourd’hui France Terre Textile regroupe 150 entreprises industrielles et labellise 50 à 60 millions de produits / an sur un vaste champ d’applications.
Pour aller plus loin, l’ambition est de s’implanter dans de nouveaux territoires de tradition textile dans l’ouest et le sud de la France. Mais aussi d’adapter une offre de certification au-delà de ces berceaux locaux à des entreprises plus petites, plus jeunes. Elles n’ont pas forcément d’outil industriel mais veulent garantir leur traçabilité parce qu’elles intègrent le fabriqué en France dans leur ADN.
Avec Origine France Garantie, la certification de l’origine va au-delà de la dernière étape de production, et s’applique à tous les domaines d’activités
Gilles Attaf, un expert du textile…
Gilles Attaf, entrepreneur du textile de longue date, est engagé dans la fabrication française. Il connaît très bien la certification Origine France Garantie. Avant d’en devenir le président il y a quelques mois, il a été parmi les 20 premiers à faire certifier des produits et plus précisément les costumes de la marque Smuggler dont il était alors dirigeant puis avec la marque Belleville qu’il a fondée ensuite.
raconte la création de Origine France Garantie en 2011…
Un zoom arrière montre qu’Origine France Garantie est née en 2011, dans ce contexte du made in France galvaudé. Mais elle est née d’une volonté politique puisque c’est le Président de la République de l’époque Nicolas Sarkozy qui a missionné Yves Jégo pour réfléchir sur la marque France, son identité et son avenir.
Il en a résulté un rapport consacré à la marque «France», dont l’une des recommandations était la création d’une certification de l’origine française des produits. Cela a donné naissance à «Origine France Garantie». Elle a été déployée pour rassurer le consommateur sur le fait que ses achats étaient réellement fabriqués en France. Et grâce à une certification reconnue par les douanes, des organismes certificateurs indépendants se déplacent dans les usines. Ces organismes, comme Bureau Véritas, AFNOR, Cerib et FCBA, vérifient que les produits respectent 2 critères:


Gilles Attaf
- Toutes les caractéristiques essentielles du produit doivent être prises en France. Il faut produire en France sur toute la chaîne de valeur de manière continue. Mais aussi sans rupture avec une partie du process qui serait réalisée à l’étranger.
- 50% au moins du prix de revient unitaire du produit doit être acquis en France. Reprenons l’exemple du chemisier. Il pourra être certifié Origine France Garantie s’il est confectionné en France avec des matières premières transformées en France donc un tissu fabriqué en France et que 50% au moins du prix de revient soit acquis en France.
…jusqu’à aujourd’hui
À ce jour 3000 gammes issues de 700 entreprises ont été certifiées. Et l’engouement pour le made in France contribue à développer les demandes de certifications, largement portées par les biens de consommation courants, parmi lesquels les produits textiles. Au sein du textile, les jeunes acteurs ont contribué au développement de la certification avec une approche très éco-responsable.
Si les produits grand public ont été un fer de lance, la demande de services locaux se développe. Par ailleurs, elle a donné lieu à une déclinaison de Origine France Garantie en Service France Garantie depuis quelques mois qui «démarre très fort».
Ce que ces labels certifiés défendent va bien au-delà du lieu de production
En défendant une production où les ¾ des opérations sont faites en France, France Terre Textile veut préserver l’emploi. De plus, il souhaite garantir un savoir-faire sur toute la filière, le maintien et le développement de l’outil industriel. Jules Petras prône «l’intensité du made in France».
«Le made in France au sens du Code des Douanes ne suffit pas (…) cela donne une information sur une étape du lieu de production du produit. Or, il se passe beaucoup de choses dans le textile au-delà de la confection.»
Jules Petras
De la même manière pour Gilles Attaf, en défendant une production effectivement en France, cela permet une «convergence des enjeux sociaux, industriels et environnementaux».
«Favoriser l’emploi dans les territoires et notamment dans les usines, c’est permettre aux usines de jouer leur rôle d’ascenseur social. Aussi, c’est favoriser le circuit court et donc l’environnement.»
Gilles Attaf
Petit rappel d’une source UIT 2021: chaque kg de textile produit en France permet de réduire de moitié l’empreinte carbone par rapport à une production en Chine.


Eloïse Moigno
Cette approche holistique de l’éco-responsabilité, c’est ce que défend le label SloWeAre
SloWeAre est un label indépendant dédié à la promotion des marques de mode responsable engagées pour l’humain, la planète et la culture.
Le label a été cofondé par Eloïse Moigno et Thomas Ebélé. Aux origines du label il y a les premiers questionnements d’Eloïse sur la traçabilité des produits dans le textile. Suite à un déclic, elle organise des premières rencontres avec des créateurs et des événements autour de la mode éco-responsable.
En 2017, c’est l’avènement de la plateforme d’information et du label SloWeAre. L’objectif est de «vérifier la sincérité de la démarche éco-responsable des entreprises. Et «de lutter contre le washing quelle que soit sa forme».
Pour être labellisées, les entreprises doivent répondre à 350 questions sur toute la chaîne de valeur. L’humain et l’environnement sont au cœur de la démarche. Les marques sont également challengées sur 45 engagements éco-responsables. Ils couvrent tous les champs de la RSE aussi bien sur le plan social qu’environnemental.
Le made in France fait partie de ces 45 engagements sachant que «ce qui compte pour nous c’est aussi que ce soit fabriqué de manière éco-responsable c’est le comment au-delà du où». Afin de valoriser les savoir-faire locaux, leur transmission, mais aussi la redynamisation des filières qui sont des enjeux humains, culturels et environnementaux clés.
L’expertise de l’équipe SloWeAre est à retrouver dans un livre qui vient de paraître «La Face cachée des étiquettes». On y retrouve les labels certifiant le fabriqué en France qui ont un rôle clé à jouer. En effet, selon Eloïse Moigno «le code des douanes ne va finalement pas si loin que ça».
Pour approfondir le sujet
Jules Petras, Gilles Attaf et Eloïse Moigno ont participé aux Fashion Green Days Territoires Fabricants. Ils ont partagé à quel point pour eux, le fabriqué en France, ça veut dire beaucoup… Inscrivez-vous au replay pour voir au revoir l’intervention de ces trois experts.

Caroline Muller
Marketeuse & business développeuse avec sens & éthique
Engagée dans le mieux produire pour mieux consommer.