Anthony Jaugeard, coordinateur du projet Tex&Care

Qui êtes-vous? Quel est votre parcours?

Économiste de formation, je me suis très vite spécialisé sur les approches de développement territorial durable qui mêlent des logiques d’acteurs différents. Mais c’est surtout à la fin de mes études, que je me suis plongé dans l’économie durable. J’ai d’abord travaillé au Centre Ressources Développement Durable (CERDD), en région Hauts-de- France, dans lequel j’ai mené divers projets sur les nouveaux modèles économiques. À l’époque, les notions d’économie circulaire, d’économie de la fonctionnalité… apparaissait tout juste et il y avait un vrai besoin de compréhension. J’ai ainsi intégré l’ADEME, l’agence de la transition écologique. J’étais chargé du sujet de l’économie circulaire. C’est là que j’ai piloté le développement du label national sur ce thème. Sous la casquette de l’ADEME, j’ai participé au lancement des premiers Fashion Green Days.

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à la mode durable. Après avoir quitté l’ADEME, je me suis lancé dans l’entrepreneuriat sur les sujets de la transition écologique et de la mode écoresponsable. C’est passionnant de pouvoir mener différents projets avec des acteurs divers. Aujourd’hui, je suis coordinateur de  Tex&Care, chaire universitaire sur la mode circulaire, j’anime également le groupe de travail «Mode sans Plastique» chez Fashion Green Hub. L’an dernier, j’ai eu la joie de piloter l’organisation des Trophées de la mode circulaire organisée par la MEL, l’ADEME et la région HDF… C’était vraiment une belle aventure que d’organiser un événement de cette ampleur. Et enfin, aujourd’hui je continue la formation et l’accompagnement sur l’économie circulaire, la gestion de projets, l’animation de séminaires, l’écriture d’articles etc.

Vous avez mentionner votre implication dans la chaire Tex&Care et chez Fashion Green Hub, pouvez-vous nous en dire plus?

Pour Tex&Care, l’idée était de créer une chaire universitaire qui soit interdisciplinaire, qui regroupe des chercheurs dans le domaine des sciences de l’ingénieur textile, des sciences humaines et sociales, dans le marketing, la culture de consommation etc. Le but est de produire une recherche de qualité afin d’accompagner  l’ensemble de la filière vers une transition écologique.

Quant à Fashion Green Hub, l’histoire commence aux premiers Fashion Green Days, auxquels j’ai contribué. Aujourd’hui, je pilote le groupe de travail «Mode sans Plastique». Il s’agit d’un collectif d’entreprises dont le but est d’échanger les bonnes pratiques, trouver des solutions pour mener à la suppression et au remplacement du plastique non réutilisable dans la chaîne d’approvisionnement et dans les textiles. Nous avons d’ailleurs publié un premier Livre sur les polybags en Juin.

J’ai également rejoint il y a peu le conseil d’administration. Enfin, occasionnellement, j’interviens sur des webinaires.

logo tex & care la chaîne de la mode circulaire
logo FGH miniature partage

Quel est le constat, quant à la situation actuelle des entreprises en termes d’économie circulaire/transition écologique?

Je pense qu’il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience et une vraie volonté d’agir. L’économie circulaire est un sujet qui parle beaucoup aux entreprises et je pense même qu’il est arrivé d’abord dans l’entreprise avant d’arriver dans des démarches plus territoriales. Je pense qu’il y a de nombreuses entreprises qui, depuis des années, sont très volontaires. On observe de vrais résultats aujourd’hui. Et il y a aujourd’hui une vraie nécessité d’accélérer et d’accompagner ces changements face à l’urgence climatique.

Qu’avez-vous pu observer ou avoir comme remontées des entreprises à la suite des divers dispositifs et plan de relance de l’État?

On voit qu’il y a, du moins pour le milieu du textile, une volonté des entreprises à trouver des solutions plus locales. Le plan de relance est donc un outil qui va pouvoir les aider financièrement à mettre en place des solutions et leur donner un cap. On observe effectivement qu’il a une vraie logique et une volonté politique de relocaliser certaines activités. Prenons la filière lin par exemple, beaucoup de choses bougent de manière assez rapide. De belles initiatives se font observer et on sent que les entreprises sont très en demande de solutions, mettent en place de nouveaux projets etc.

Quelle sont les opportunités pour les entreprises d’adhérer à une économie circulaire?

Pour moi, le principal enjeu de l’économie circulaire aujourd’hui est de limiter notre dépendance aux ressources non renouvelables. Nous ne sommes plus dans le paradigme des ressources abondantes et  peu chères. L’économie circulaire est une opportunité de réinventer le modèle linéaire très consommateur de ressources et générant de nombreux impacts environnementaux (Co2, déchets…). Ce modèle invite à  se requestionner sur ce que l’on produit. Comment le produit-on ? Dans quelles conditions ? C’est l’opportunité de redonner un peu de sens à sa production, sa consommation, qu’est-ce que j’ai envie de laisser aujourd’hui, demain… Cela amène à changer des pratiques de vente, de marketing, de production, de distribution, d’approvisionnement etc. C’est finalement assez global. Cela ne se fait évidemment pas en deux jours. C’est long. Il y a donc une vraie nécessité d’accompagner sur le long terme ces changements, de mettre en réseau les acteurs, de créer des filières… afin d’avancer ensemble

logo région hauts-de-france

Quelles sont les aides pour ces entreprises qui souhaitent leur transition écologique?

Il existe l’aide à l’écoconception de l’ADEME, des aides des régions également, qui soutiennent les projets d’économie circulaire. Cela va vraiment dépendre de la typologie du projet. Mais il existe plusieurs dispositifs d’aides tant pour les achats responsables, que l’éco-conception des produits, ou encore les études de faisabilité, la mise en place d’un procédé… et tout ce qui tourne autour des nouveaux modèles économiques. Il y a donc un panel d’aides aujourd’hui (quelles soient financières ou techniques), du côté des acteurs de l’innovation mais également du côté des acteurs publics tels que les collectivités, les régions et les métropoles.

Quels sont les freins et limites au déploiement de l’économie circulaire?

 Le frein principal est le temps. Certaines entreprises ont besoin de trouver des solutions rapidement, aussi parce que le consommateur est de plus en plus exigeant vis-à-vis de ce qu’il consomme. Ils souhaitent davantage consommer local et responsable. Ceux-ci sont de plus en plus en demande d’exigences sociales et environnementales. Il s’agit donc également de répondre à leurs attentes dans un délai restreint.

 Or les logiques d’économie circulaire sont parfois longues. Elles demandent de faire bouger beaucoup d’acteurs en même temps. Cela constitue donc un frein.

 

Quels sont les enjeux pour les politiques publiques?

Il s’agit d’accompagner finalement ces logiques territoriales, par différents outils: la loi, l’animation, les stratégies, les financements, les appels à projets, etc. Le rôle des collectivités est également de donner des visions. On en a parfois besoin, dans des moments de transition où l’on ne sait pas trop où aller, où l’on observe des signaux alarmants qui sont réels mais qui peuvent être déprimants, démotivateurs, angoissants… On a besoin d’écrire un nouveau futur, de nouveaux horizons, de nouveaux imaginaires. Je pense que les politiques, à travers les stratégies, les prospectives ou encore les hommes politiques, peuvent incarner finalement un discours nouveau, d’un monde désirable, qui soit plus social et écologique.

Mélina Koleskas

Mélina Koleskas

Etudiante à l’EDHEC Business School

 Je m’intéresse à la mode, au bien-être social, au développement durable et à l’innovation. Ces domaines m’animent et me motivent lors de projets. 

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